Le changement climatique et l’eutrophisation affaiblissent la biodiversité des milieux d’eau douce


L'étang Saint-Hubert © INRAE - NICOLAS Bertrand

Le réchauffement climatique et l’eutrophisation sont deux phénomènes qui affectent la biodiversité des milieux d’eau douce. Des scientifiques viennent de montrer que l’effet combiné de ces deux facteurs de stress entraîne une diminution de la présence des gros poissons, situés en haut de la chaîne alimentaire. L’eutrophisation se définit « comme un excès de substances nutritives dans les milieux aquatiques », selon l’INRAE. Elle résulte souvent de la pollution des milieux aquatiques par les engrais agricoles.

« Notre étude montre que le réchauffement des eaux douces induit par le changement climatique et la surcharge en nutriments due à la pollution constitue une combinaison dangereuse qui menace nos rivières et nos lacs », explique Camille Leclerc, chargée de recherche qui a participé à l’étude de l’INRAE. La chercheuse au sein de l’Unité mixte de recherche Risques, écosystèmes, vulnérabilité, environnement, résilience précise : « les réseaux alimentaires deviennent moins complexes dans les eaux plus chaudes et riches en nutriments. Les chaînes alimentaires deviennent plus courtes et le fonctionnement de l’écosystème est alors dégradé. Ce sont notamment les prédateurs en haut de la chaîne alimentaire, comme le brochet, qui sont les plus vulnérables à ces changements. » Or, les prédateurs jouent un rôle essentiel dans le bon fonctionnement de l’écosystème et sa régulation.

Cette étude apporte une connaissance nouvelle puisque jusqu’à présent la communauté scientifique pensait que l’eutrophisation et le changement climatique pouvaient compenser leurs effets respectifs. Les scientifiques pensaient que l’apport de nutriments permettraient d’aider le métabolisme des poissons à s’adapter à la hausse des températures. Ce n’est cependant pas le cas. Camille Leclerc rappelle que « les poissons sont des organismes à sang froid, donc leur température corporelle dépend de celle du milieu. Lorsque l’eau se réchauffe, le métabolisme des poissons s’accélère, ce qui affecte leurs fonctions vitales, par exemple la respiration, la digestion ou encore la reproduction. Ainsi, à des températures plus élevées, les gros prédateurs dépensent davantage d’énergie pour se maintenir. Leurs besoins énergétiques augmentent plus vite que leur capacité à trouver de la nourriture. On a donc longtemps pensé que l’apport supplémentaire en nutriments dû à l’eutrophisation, qui stimule la croissance des algues et des végétaux, pouvait aider les prédateurs aquatiques à s’adapter au réchauffement. »  Ce n’est pourtant pas ce qu’il se passe selon leurs observations. Les poissons en haut de la chaîne alimentaire ayant fortement diminué ces dernières décennies. En Europe, les populations de poissons migrateurs, comme le saumon ou la truite, ont diminué de 80 % en un demi-siècle.

Pour arriver à ces résultats, les chercheurs de l’INRAE, de l’université d’Oxford, de l’université de Sheffield et de l’université Savoie Mont Blanc ont étudié 256 lacs et 373 cours d’eau en France durant une décennie. Parmi les sites prélevés se trouvent l’étang de Soustons, le lac de la Prade ou encore la Gimone au sein de la commune de Labourgade. Leurs travaux ont été publiés dans la revue Ecology Letters. Les écosystèmes d’eau douce, comme les lacs ou les rivières font face à de nombreuses pressions, comme la pollution, le réchauffement climatique, les épisodes de sécheresse, l’altération de l’hydromorphologie des cours d’eau ainsi que des lacs et les pollutions engendrées par les activités humaines. Ainsi, rappelle l’INRAE, « en Europe, seulement 38 % des écosystèmes d’eau douce possèdent une bonne qualité chimique, et 40 % affichent une bonne qualité écologique ».

Julien Leprovost

Cet article vous a plu ? Il a été rédigé par un de nos rédacteurs, soutenez-nous en faisant un don ou en le relayant.
Vous êtes intéresse par d’autres articles sur l’écologie ? Inscrivez-vous 
gratuitement à notre newsletter hebdomadaire

Pour aller plus loin

Réchauffement et eutrophisation en eau douce : des effets combinés sur la chaîne alimentaire aquatique sur le site Internet de l’INRAE

L’étude The interaction between warming and enrichment accelerates food-web simplification in freshwater systems (en anglais)

À lire aussi sur GoodPlanet Mag’

Restauration de la Bièvre, la rivière enterrée de la région parisienne

Le changement climatique pourrait faire changer la couleur des océans, selon des scientifiques

Un déclin généralisé des réserves d’eau souterraine n’est pas inévitable

L’écologue Sandra Lavorel, médaille d’or du CNRS en 2023 : « du fait de nos activités et leurs impacts, nous avons une responsabilité vis-à-vis de cette biodiversité »

Les marées vertes en Bretagne, la responsabilité du nitrate

L’hydrologue Emma Haziza : « toute espèce vivant sur Terre a autant besoin d’eau que nous »

Le microbiologiste Marc-André Selosse : « 9 plantes sur 10 ne peuvent pas pousser dans des sols ordinaires sans l’aide des champignons »

 

Ecrire un commentaire

Cyril Moulin, président de Bio Équitable en France à propos de la crise agricole et du Mercosur : « un plan social qui ne dit pas son nom et qui va se révéler dramatique pour notre souveraineté alimentaire »

Lire l'article