Déforestation et incendies: alertes tous azimuts sur l’Amazonie

Incendies Amazonie

Vue aérienne d'une zone de la forêt amazonienne déboisée par des incendies illégaux, dans la municipalité de Labrea, dans l'État d'Amazonas, le 20 août 2024 au Brésil © AFP/Archives EVARISTO SA

Rio de Janeiro (AFP) – Alerte rouge pour la plus grande forêt tropicale de la planète: déforestation et incendies dévastateurs en Amazonie, qui joue un rôle crucial contre le réchauffement climatique, font peser le risque de « conséquences irréversibles », préviennent ONG et experts.

En moins de quatre décennies, une surface presque aussi grande que la Colombie a été déboisée dans la région, selon une étude du Réseau amazonien d’information socio-environnementale et géographique (RAISG), un collectif de chercheurs et d’ONG, à laquelle l’AFP a eu accès lundi.

Lundi aussi, l’observatoire européen Copernicus a sonné l’alarme: l’Amazonie et la zone humide du Pantanal, autre sanctuaire de biodiversité situé plus au sud, ont connu ces derniers mois leurs « pires incendies en deux décennies ».

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Conséquence: les émissions de carbone ont été « significativement au-dessus de la moyenne, battant des records régionaux et nationaux », affectant « gravement » la qualité de l’air dans toute l’Amérique du Sud.

Les événements climatiques « de plus en plus extrêmes et fréquents » favorisés par la déforestation « continuent de toucher une Amazonie déjà fragilisée, autant dans sa capacité de régénération que dans son rôle pour réguler le climat de la planète », résume l’étude du RAISG.

L’Amazonie a une importance capitale pour le climat via l’absorption d’énormes quantités de CO2.

« Agir maintenant »

« Les présidences sud-américaines doivent plus que jamais prendre des mesures urgentes pour éviter une catastrophe climatique qui pourrait avoir des conséquences irréversibles. Il faut agir maintenant », a déclaré Ana Piquer, directrice pour les Amériques d’Amnesty International, dans une lettre ouverte publiée lundi.

Amnesty réclame notamment « davantage d’efforts pour abandonner les énergies fossiles, transformer le modèle actuel d’agriculture industrielle, protéger les peuples autochtones et offrir des garanties aux défenseurs de l’environnement ».

En Amazonie, la déforestation a détruit 12,5% de la couverture végétale de 1985 à 2023, selon les données de satellites analysées par le RAISG.

Plus de 88 millions d’hectares ont été déboisés au Brésil, en Bolivie, au Pérou, en Equateur, en Colombie, au Venezuela, au Guyana, au Suriname et en Guyane française.

Les spécialistes du RAISG font état d’une « transformation accélérée » en Amazonie, identifiant une « augmentation alarmante » de l’usage du sol auparavant occupé par la forêt pour y installer des mines (+1.063%), des cultures (+598%) ou de l’élevage (+297%).

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« Un grand nombre d’écosystèmes ont disparu pour donner lieu à d’immenses étendues de pâturages, de champs de soja ou d’autres monocultures, ou se sont transformés en cratères pour l’extraction d’or », alertent-ils.

Émissions de CO2 en hausse

« Avec la perte de la forêt, nous émettons plus de carbone dans l’atmosphère et cela bouleverse tout un écosystème qui régule le climat et le cycle hydrologique, affectant clairement les températures », explique à l’AFP Sandra Rios Caceres, de l’Institut du Bien commun, une association péruvienne qui a pris part à l’étude.

Cette spécialiste estime que la perte de couverture végétale en Amazonie est directement liée « aux événements extrêmes que nous vivons », notamment la sécheresse sévère et les incendies de végétation qui ravagent plusieurs pays sud-américains.

Certains affluents de l’Amazone sont à leur niveau le plus bas depuis des décennies, menaçant le mode de vie de quelque 47 millions de personnes qui vivent sur leurs rives.

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Malgré les efforts de pays comme le Brésil ou la Colombie pour réduire la déforestation en Amazonie, 3,8 millions d’hectares de forêt tropicale ont été déboisés dans la région l’an dernier, du jamais vu en deux décennies, soit une surface presque aussi vaste que la Suisse.

Au Brésil, qui accueillera en 2025 à Belem la COP30, conférence de l’ONU sur le climat, le nombre de foyers d’incendie depuis janvier a déjà dépassé le total de toute l’année dernière (200.013 contre 189.926), selon les données de l’institut d’études spatiales (INPE). Le gouvernement du plus grand pays d’Amérique latine pointe dans de nombreux cas la responsabilité de « criminels ».

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Selon Copernicus, le total d’émissions cumulées depuis le début de l’année est « plus haut que la moyenne, soit 183 mégatonnes de CO2 jusqu’au 19 septembre, suivant le rythme des émissions record de 2007 ».

C’est également de cette année-là que date le record de foyers d’incendies identifiés au Brésil (393.915), selon l’INPE.

© AFP

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