Le manque d’eau courante met à rude épreuve la patience des Cubains

Cuba un homme transporte de l'eau

Un Cubain transporte de l'eau sur une brouette à La Havane, Cuba, le 24 septembre 2024 © AFP YAMIL LAGE

La Havane (AFP) – Sans eau courante depuis deux semaines, Lorenzo Islem, 65 ans, n’a pas d’autre choix que d’aller remplir des bidons à un kilomètre de chez lui. A Cuba, les difficultés de distribution d’eau mettent à rude épreuve la patience des habitants, déjà touchés par des pénuries en tout genre.

« Si je ne fais pas ça, qu’est-ce que je fais ? Je meurs chez moi de soif et de faim », raconte à l’AFP le retraité en arrivant, haletant et transpirant, dans sa petite maison de bois du quartier de Punta Brava, à 25 kilomètres du centre de La Havane.

Le sexagénaire a dû parcourir à pied près d’un kilomètre sous une chaleur étouffante en poussant une brouette chargée de trois bidons d’eau qu’il est allé chercher chez un ami. Il vit dans le quartier depuis une dizaine d’années et n’a « jamais rien connu de tel ».

« Le problème de l’eau est critique, nous n’avons pas d’eau depuis 15 ou 20 jours », explique-t-il en vidant le contenu des bidons dans un réservoir de sa cuisine. « Je ferai un autre voyage tout à l’heure, car cette eau-là, c’est pour boire et se laver », ajoute-t-il, visiblement éprouvé par l’effort.

Brouettes, bicyclettes, chariots, coffres de voitures, charrettes tirées par des chevaux: à Punta Brava, chacun se débrouille comme il peut pour acheminer de l’eau jusque chez lui.

Sur l’île de moins de dix millions d’habitants, environ 10% de la population est privée d’eau courante, a reconnu récemment le président de l’Institut national des ressources hydriques (INRH), Antonio Rodriguez.

« Nous avons des personnes touchées dans toutes les provinces », a-t-il expliqué. A La Havane, trois communes connaissent une situation difficile, dont La Lisa, celle qui comprend le quartier où Lorenzo Islem habite avec son épouse.

Selon le dirigeant de l’INRH, l’absence d’eau au robinet est due à un manque « d’équipements de pompage », « aux coupures d’électricité » qui désactivent les pompes et à « des ruptures » dans les canalisations. Sur l’île, quelque 300.000 personnes sont actuellement approvisionnées par camions-citernes.

Or ces distributions par camions entraînent pour l’Etat des frais de carburant supplémentaires et nourrissent un cercle vicieux dans un pays dont les coupures d’électricité, qui entraînent les suspensions de l’eau courante, sont justement provoquées par le manque de combustible.

« C’est trop »

Depuis quatre ans, Cuba traverse une profonde crise économique avec pour conséquences des pénuries de nourriture, de médicaments, de carburants, ainsi que de fréquentes coupures d’électricité.

En cause, le renforcement de l’embargo américain sous Donald Trump (2017-2021) auquel se mêlent les faiblesses structurelles de l’économie cubaine, centralisée et peu productive.

A Alturas, un autre quartier de La Lisa, Saray Lopez, 49 ans, mère au foyer, n’a plus d’eau courante chez elle depuis « plus d’un mois » et se désespère. « Avec tous les problèmes que nous avons, c’est le bouquet ! C’est trop », s’agace-t-elle.

Dans une charrette à cheval, un ami lui a apporté deux réservoirs d’environ 200 litres d’eau chacun, mais Saray Lopez calcule que, même si elle « fait attention le plus possible », elle aura de l’eau au maximum « pour deux jours » dans son foyer qui compte sept adultes et deux enfants.

Selon l’INRH, depuis deux ans, Cuba a importé plus de 1.200 pompes, dont 866 fonctionnent à l’énergie solaire, dans le cadre d’un programme visant à renouveler la matrice énergétique du secteur.

Des travaux sont également en cours pour remplacer les canalisations endommagées. Selon des chiffres officiels, en 2018, la moitié de l’eau pompée sur l’île a été perdue à cause de fuites.

Face aux difficultés, Saray Lopez raconte qu’un habitant a essayé récemment de lui vendre une partie de la cargaison d’un camion-citerne au marché noir pour 4.000 pesos (33 dollars), alors que ce service est normalement gratuit et que le salaire moyen plafonne à 5.000 pesos (42 dollars).

Lorsque les habitants aperçoivent un camion-citerne dans leur quartier, ils sortent de chez eux en courant, seaux, jerrycans et même marmites à la main. Mais il arrive que des jours passent sans qu’aucun camion n’apparaisse.

« Ici, ils n’ont jamais envoyé de camion-citerne », se plaint Luis Imbert, 59 ans, qui, sans cacher son amertume, déplore l’absence de « réponse » de l’Etat.

© AFP

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