Paris (AFP) – Et si les plantes avaient l’oreille musicale ? Des chercheurs australiens ont découvert que la diffusion d’un son monotone stimulait l’activité d’un microscopique champignon du sol connu pour favoriser la croissance des végétaux.
Face à l’érosion, la surexploitation agricole, la déforestation et la pollution, restaurer les sols est un enjeu croissant pour préserver la biodiversité et produire des cultures de manières durables.
Les technologies sont multiples : amélioration de la structure du sol pour favoriser la rétention d’eau, réintroduction de matière organique, réduction de l’utilisation des pesticides, inoculation de microbes…
« Cependant, le rôle de la stimulation acoustique dans ce domaine reste peu exploré », note une équipe de chercheurs de l’Université de Flinders (sud de l’Australie), dans une étude publiée mercredi dans les « Biology Letters » de la British Royal Society.
Sur la base de travaux antérieurs sur l’exposition de la bactérie E. Coli à des ondes sonores, ces biologistes ont voulu évaluer l’effet d’une stimulation acoustique sur le taux de croissance et la production de spores – ou sporulation – de Trichoderma harzianum.
[À lire aussi Marc André Selosse : « les champignons sont nos plus proches parents dans l’évolution »]
Ce champignon microscopique est souvent utilisé dans l’agriculture biologique pour ses capacités à protéger les plantes des agents pathogènes, améliorer l’utilisation des nutriments et favoriser leur croissance.
Bruit blanc
Pour mener leur expérience, ils ont construit et installé des chambres d’atténuation sonore stérilisées, dans lesquelles ils ont déposé des boîtes de pétri où était cultivé le champignon.
Ils ont ensuite diffusé dans une de ces chambres « Tinnitus Flosser Masker at 8kHz », une des très nombreuses vidéos de bruits blancs disponibles sur YouTube, censées soulager les acouphènes ou aider à l’endormissement des bébés.
« Cela ressemble au son d’une radio ancienne entre deux stations », explique à l’AFP Jake Robinson, un des co-auteurs de l’étude. « Nous avons choisi cette monotonie pour des raisons expérimentales contrôlées, mais il est possible qu’un paysage sonore plus diversifié ou naturel soit plus efficace. Cela nécessite des recherches supplémentaires », dit-il.
Les boîtes de pétri ont été exposées à ce paysage sonore diffusé à un niveau de 80 décibels trente minutes par jour.
Au bout de cinq jours, les taux de croissance et de sporulation des champignons soumis à la stimulation acoustique étaient plus élevés que ceux des spécimens placés dans les chambres sans paysage sonore.
Les chercheurs avancent plusieurs mécanismes potentiels pour expliquer ces résultats.
[À lire aussi Kathy Willis, professeure à Oxford: «pourquoi n’aurions-nous pas tous des plantes sur notre bureau?»]
Ils pourraient être dus à un effet piézoélectrique, par lequel une pression mécanique (ici une onde acoustique) est convertie en charge électrique. Ces phénomènes peuvent influencer les processus cellulaires et moléculaires dans les organismes vivants, comme cela a déjà été observé pour les peptides, les acides aminés, les protéines ou les virus.
Une autre hypothèse repose sur les mécanorécepteurs que les champignons possèdent sur leurs membranes. Ceux-ci sont comparables à ceux présents par milliers dans la peau humaine et qui jouent un rôle dans le sens du toucher, en influant sur la façon dont nous réagissons à la pression ou aux vibrations.
« Il se pourrait que les ondes sonores stimulent ces mécanorécepteurs chez les champignons, déclenchant ensuite une cascade d’événements biochimiques qui activent ou désactivent certains gènes – par exemple, les gènes responsables de la croissance », estime M. Robinson.
« Nos recherches préliminaires suggèrent que les champignons réagissent au son, mais nous ne savons pas encore si cela profite aux plantes. C’est donc la prochaine étape », détaille le biologiste.
« Pouvons-nous influencer les communautés microbiennes du sol ou des plantes dans leur ensemble ? Pouvons-nous accélérer le processus de restauration des sols en stimulant la terre avec des paysages sonores naturels? Quel impact cela pourrait-il avoir sur la faune du sol? Il y a de nombreuses questions importantes pour nous occuper! », conclut-il.
© AFP
À lire aussi sur GoodPlanet Mag’
François Couplan : « nous devrions être plus reconnaissants envers les plantes »
Ecrire un commentaire