Paris (AFP) – Apeurées, une dizaine de corneilles tournoient dans une cage installée au jardin des Plantes, à Paris, et croassent de mécontentement à l’approche de Frédéric Jiguet, ornithologue au Museum d’Histoire Naturelle, dans une scène aux allures hitchockiennes.
Le chercheur capture les corneilles depuis 2015 grâce à sa cage de 2 mètres sur 4 installée au cœur du jardin des Plantes afin « d’étudier leurs mouvements et leur survie, elles qui sont plusieurs milliers à Paris », explique-t-il, les mains marquées par des coups de becs et de griffes de corvidés agités.
Avant de les relâcher, il les équipe d’une petite bague de couleur numérotée ou d’une balise GPS. Depuis 2015, Frédéric Jiguet a bagué près de 1.400 oiseaux. La plupart d’entre eux évoluent dans l’Est parisien.
En 2020, il obtient les subventions pour l’achat de petits GPS, permettant d’équiper 94 corneilles depuis. Le projet est aujourd’hui financé par la mairie de Paris et le ministère de l’Ecologie.
« Cette année, un oiseau est allé jusqu’en Belgique et est revenu à Paris une semaine plus tard. Elles peuvent parcourir plus de 100 km en 24 heures », explique l’ornithologue, auteur de « Vivent les corneilles ».
Ces charognards au plumage sombre ressemblent aux corbeaux, mais sont plus petits et disposent d’un bec moins courbé. Les corneilles sont sociales et présentes en ville, tandis que les corbeaux vivent en solitaire et peuplent davantage les zones rurales.
Sur le site internet participatif corneilles-paris.fr, les Parisiens peuvent signaler la localisation d’une corneille en repérant le numéro de la bague attachée à sa patte, et ainsi compléter les données répertoriées par le scientifique. Le site compte une quinzaine d’observateurs réguliers.
Moins de poubelles, moins de corneilles
Le programme commence en 2015, lorsque Frédéric Jiguet est contacté par la mairie de Paris au sujet de corneilles pilleuses de poubelles.
Convaincu qu’une approche régulatrice et invasive ne suffit pas à éloigner les noiraudes – 500.000 corneilles sont tuées chaque année en France lors d’opération d’abattage selon le chercheur – il réfléchit à une solution plus durable.
Sur l’ensemble du territoire, les corvidés sont classés comme espèces nuisibles. La ville de Paris constitue une exception à ce classement.
« Les tuer ne sert à rien, car elles reviennent tant qu’il y a à manger. La meilleure solution est donc d’améliorer la gestion des déchets alimentaires dans l’espace public », assure Frédéric Jiguet.
Moins tondre les pelouses, que ces oiseaux arrachent à la recherche de hannetons, est également préconisé pour éviter qu’ils ne détectent les larves.
« Les corneilles ont commencé à proliférer à Paris au début des années 2000, à cause de l’installation de poubelles transparentes et sans couvercles suite aux attentats terroristes qui ont permis aux oiseaux de se nourrir plus facilement », rappelle-t-il.
« Elles savent même reconnaître les emballages de fast-food! », s’amuse-t-il. « Pendant les confinements, les poubelles étaient vides, et il y avait moins de déchets alimentaires. La mortalité des jeunes corneilles a ainsi été multipliée par 3,5 », détaille Frédéric Jiguet, un volatile à la main attendant patiemment d’être relâché.
Le chercheur étudie aussi des solutions pour aider les agriculteurs à lutter contre les pertes engendrées par les volatiles, comme par exemple la mise au point d’un enrobage répulsif et coloré des semences pour les éloigner.
« En bons voisins »
« Les corneilles sont des animaux mal-aimés », victimes d’une « très mauvaise image », affirme Sandra Guillaumot, responsable de la mission « animal en ville » à la mairie de Paris.
« Elles entraînent quelques nuisances, mais la mairie n’est pas dans une approche régulatrice, comme c’est le cas dans d’autres collectivités. Nous souhaitons apprendre à vivre avec elles en bons voisins », explique-t-elle.
S’il y a déjà eu quelques cas de corneilles agressives par le passé, ces derniers restent marginaux, selon Frédéric Jiguet et Sandra Guillaumot.
Dans « Vivent les corneilles », le chercheur raconte par exemple la situation comique dans laquelle se sont retrouvés des fonctionnaires du ministère des Finances en 2017, victimes d’attaques quotidiennes d’un corvidé cherchant à protéger son nid.
Ce scénario de film d’horreur s’est reproduit en 2021 dans un presbytère situé à Tolbiac, dans l’Est parisien, où un prêtre a été victime d’un couple de corneilles soucieux de protéger ses corneillons.
Du côté du jardin des Plantes, il est bientôt 12H00. Les noiraudes quittent leurs perchoirs feuillus à la recherche d’un petit bout de sandwich à chiper. Leur plat préféré ? « Les frites ! », assure Frédéric Jiguet.
© AFP
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Un commentaire
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Arnaud.
Aucun mot sur la disparition des petits passereaux, moineaux, mésanges, fauvettes, rouge-gorges etc.., due à la prolifération des pies , corneilles et chats dans nos villes et campagnes. Bien triste !