Lorient (AFP) – « Absolument révolutionnaire. » À l’issue de 18 mois d’un tour d’Europe de Tallinn à Athènes, les chercheurs de la goélette Tara ont accosté à Lorient samedi avec des données laissant augurer « quelques décennies de découvertes » pour la science.
« Cette treizième mission est sans doute la plus complexe qu’on ait jamais menée avec l’équipe Tara », a déclaré Romain Troublé, directeur général de la fondation Tara Océan, lors d’une conférence de presse sur l’île de Groix (Morbihan), où la goélette a fait escale avant d’accoster à Lorient samedi après-midi.
Le navire, conçu par l’explorateur Jean-Louis Étienne, avait largué les amarres de son port d’attache breton en avril 2023, pour un voyage de plus de 24.000 km le long des côtes européennes.
L’originalité de ce périple, passant par l’Atlantique, la Manche, la mer du Nord, la Baltique et la Méditerranée, tient au fait qu’il s’est inscrit dans une mission plus large baptisée TREC (« Traverser les côtes européennes »).
200 chercheurs
Une expédition qui a mobilisé 200 chercheurs de 30 pays différents, sous l’égide du laboratoire européen EMBL (European Molecular Biology Laboratory), une sorte de CERN de la biologie, basé à Heidelberg en Allemagne.
Lors des 18 mois écoulés, les chercheurs ont procédé à des échantillonnages systématiques de la terre à la mer sur des lignes imaginaires le long des côtes européennes: dans le sol, dans les sédiments, sur les aérosols marins et terrestres, dans les eaux côtières et en mer.
Cette interface « terre-mer », « c’est là où la biodiversité la plus intéressante se trouve », a expliqué Edith Heard, la directrice générale de l’EMBL.
Et au vu des analyses préliminaires, « on est lancé pour quelques décennies de découvertes scientifiques », a annoncé la généticienne, médaille d’or 2024 du CNRS.
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Lors d’un séminaire organisé la semaine dernière, les 130 scientifiques de la mission TREC/Tara Europa se sont retrouvés à l’EMBL. « Tout le monde est sorti ébloui, les yeux brillaient », a décrit Mme Heard.
« C’est absolument révolutionnaire. Je pense qu’on va découvrir énormément de choses sur la biologie fondamentale », a abondé Flora Vincent, directrice de laboratoire à l’EMBL et coordinatrice de la mission.
« On a commencé à analyser des échantillons. En termes de biodiversité génétique, on sait déjà que, dans les sols, on va certainement découvrir de nouvelles espèces », a développé la chercheuse en biologie marine. « On est assez confiants sur le fait qu’on va découvrir de nouvelles composantes fondamentales de la biodiversité ».
Nouvel univers
« C’est un univers qui s’ouvre à nous », a souri Mme Heard.
Les chercheurs de l’EMBL ont suivi le trajet de Tara à terre, avec des camionnettes transformées en mini-laboratoires, mais aussi un semi-remorque transportant des outils de recherche scientifique (microscopes, congélateur à haute pression).
La richesse des données tient à la diversité d’environnements dans lesquels elles ont été récoltées puis immédiatement traitées avec des appareils de pointe. « Le fait qu’on aille au plus près de ces échantillons, qu’on puisse les regarder encore vivants, ça va complètement changer la façon dont on observe le vivant », a estimé Mme Vincent.
Il faudra cependant attendre encore quelques années avant que les 70.000 échantillons récoltés par la mission, et mis à disposition de la communauté scientifique, soient analysés puis donnent lieu à des publications.
Les missions de Tara donnent du grain à moudre pour les scientifiques du monde entier pendant de nombreuses années. Une des premières missions, Tara Océans (2009-2013), est ainsi « la référence sur le plancton mondial encore 15 ans après », a souligné Colomban de Vargas, chercheur (CNRS) à la station biologique de Roscoff (Finistère).
« Il y a encore un article qui doit paraître dans (la revue scientifique) Nature la semaine prochaine, ça n’arrête pas. Et il y a à peu près 2.000 publications sur les données de Tara Océans », a-t-il ajouté. « Ces bases de données, quand elles sont faites avec rigueur, elles durent des décennies. »
© AFP
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