Désastre écologique au Brésil : un procès géant s’est ouvert à Londres contre BHP

Procès Brésil contre BHP

Des proches de victimes de la rupture en 2015 d'un barrage retenant des résidus toxiques rassemblés devant la Haute cour de justice de Londres, à l'ouverture du procès sur la responsabilité du géant minier australien BHP dans la castastrophe, le 21 octobre 2024 © AFP BENJAMIN CREMEL

Londres (AFP) – Un procès pour déterminer la responsabilité du géant minier australien BHP dans la rupture dévastatrice en 2015 au Brésil d’un barrage retenant des résidus toxiques s’est ouvert lundi à Londres, relançant l’espoir de centaines de milliers de victimes qui réclament des milliards de livres d’indemnisations.

« Ici, la justice sera rendue et ils seront punis pour leur crime. Je ne pense pas que ce sera le cas au Brésil », a déclaré lundi à l’AFP Ana Paula Alexandre, 49 ans, juste avant l’ouverture du procès à la Haute Cour de Londres.

[Lire aussi: Catastrophe écologique au Brésil : douleur et espoir avant un procès à Londres]

Son mari, Edinaldo Oliveira de Assis, travaillait sur le barrage et a été tué au moment de la catastrophe. Elle attend beaucoup du procès au Royaume-Uni car elle dit n’avoir « pas l’impression d’être entendue au Brésil ».

Une gigantesque coulée de boue constituée de déchets toxiques s’était répandue sur 650 kilomètres le long d’un fleuve, le Rio Doce, jusqu’à l’océan Atlantique, après la rupture le 5 novembre 2015 de ce barrage près de Mariana, une ville de l’Etat de Minas Gerais (sud-est).

La catastrophe écologique a entraîné la mort de 19 personnes, privé plus de 600 personnes de leur foyer, tué des milliers d’animaux et dévasté des zones de forêt tropicale protégée.

L’édifice retenait les résidus d’une mine de fer appartenant à Samarco, une société brésilienne détenue en commun par le brésilien Vale et l’australien BHP.

36 milliards de livres

BHP avait à l’époque des faits deux sièges, dont un à Londres, ce qui explique cet énorme procès civil dans la capitale britannique, qui doit s’achever début mars et devra déterminer l’éventuelle responsabilité de ce groupe.

Le montant des dommages et intérêts réclamés promet d’être gigantesque : il est évalué à « 36 milliards de livres » (43 milliards d’euros) par les avocats des plaignants, à la hauteur de leur nombre, plus de 620.000, dont 46 municipalités brésiliennes, des entreprises et plusieurs peuples autochtones.

Lundi, huit victimes avaient fait le déplacement, dont certaines en habits traditionnels agitaient devant le tribunal des maracas et interpellaient les passants au mégaphone, réclamant la « justice pour Mariana ! ».

« Au Brésil, les sociétés minières sont très puissantes et ont une grande influence politique. J’espère que la justice sera rendue ici. Au Brésil, c’est sans espoir », lance Gelvana Rodrigues, 37 ans, dont le fils de sept ans avait été emporté et son corps retrouvé 100 kilomètres plus loin.

[Lire aussi: Brésil : cinq ans après, la rupture du barrage de Brumadinho laisse une plaie ouverte]

BHP, qui assure que l’eau du fleuve a retrouvé sa qualité depuis, se dit « pleinement conscient des impacts » de la catastrophe et « inébranlable » dans sa volonté d’indemnisation mais juge ce procès britannique « inutile », considérant que l’affaire est « déjà couverte » par les procédures brésiliennes.

Dans un argumentaire rendu public lundi, les avocats de cette compagnie affirment en outre qu’« il n’existe aucune loi ni aucun contrat imposant une quelconque obligation de sécurité à la société mère » et que BHP n’était ni au courant de problèmes sur le barrage, ni n’a provoqué l’effondrement.

« Quelques centaines de livres »

Le groupe assure que plus de 430.000 personnes ont déjà reçu une compensation via la fondation Renova, qui gère les indemnisations et les réhabilitations au Brésil, dont plus de 200.000 plaignants représentés au procès à Londres.

Loin de faire « face à ses responsabilités », BHP « essaie cyniquement et obstinément de les éviter », répliquent les avocats des victimes, dans leur propre argumentaire diffusé lundi.

BHP et Vale ont revu à la hausse vendredi une proposition globale d’indemnisation faite à la justice brésilienne, à 170 milliards de réais (27,6 milliards d’euros), dans l’espoir de mettre un point final à la majeure partie des procédures dans ce pays. Ce montant est toujours en négociation.

[Lire aussi: Brésil : Vale, Samarco et BHP condamnés à payer 9,56 mds USD pour une catastrophe écologique]

Mais cela n’est pas suffisant et « beaucoup des victimes que je représente ne font tout simplement pas confiance aux entreprises », commente auprès de l’AFP Tom Goodhead, le directeur général de Pogust Goodhead, le cabinet londonien des plaignants, pour qui la majorité des personnes indemnisées à ce jour au Brésil n’ont reçu « que quelques centaines de livres ».

Des poursuites pénales sont par ailleurs en cours au Brésil, ainsi que d’autres procédures civiles aux Pays-Bas et en Australie.

La décision de la justice britannique n’est pas attendue pour avant le 2e trimestre de l’an prochain, selon BHP. Si sa responsabilité était reconnue, un autre procès serait organisé, sans doute fin 2026, afin d’évaluer le montant des dommages et intérêts pour chaque plaignant.

© AFP

Pour aller plus loin:

Que se passe-t-il quand on supprime une aire protégée ? Le cas du Brésil

Du vert sur le béton à Sao Paulo, le pari « fou » d’un Brésilien

Au Brésil, une application aide les pêcheurs à dénoncer la pollution

Lire aussi sur GoodPlanet Mag’:

L’Etat abandonne un projet contesté de barrage sur le Rhône

En Ukraine, l’étonnant réveil de la végétation après la destruction du barrage de Kakhovka

La Chine inaugure le Barrage des Trois Gorges, le plus haut barrage du monde

Un commentaire

Ecrire un commentaire

    • Patrice DESCLAUD

    Il n’y a hélas pas qu’au Brésil que ces exploitants miniers sont un état dans l’état; en France, on se souvient aussi de certains exploitants du nucléaire dans diverses de nos anciennes colonies et qui continuent leurs abus et nient ne pas respecter les procédures et la sécurité des extractions dans ces pays !
    Pat-22

Cyril Moulin, président de Bio Équitable en France à propos de la crise agricole et du Mercosur : « un plan social qui ne dit pas son nom et qui va se révéler dramatique pour notre souveraineté alimentaire »

Lire l'article