Inírida (Colombie) (AFP) – Chaque jour, les pêcheurs indigènes du département colombien de Guainia livrent à la ferme d’Ernesto Rojas de petits poissons aux couleurs vives capturés dans les rivières de cette région de l’Amazonie et qui orneront ensuite les aquariums du monde entier.
Le septuagénaire aux cheveux grisonnants est l’un des principaux commerçants de poissons d’ornement d’Inirida, la capitale du Guainia, dans le sud-est de la Colombie, à la frontière avec le Venezuela.
En langue indigène, Guainia signifie « terre aux nombreuses eaux ». Le département abrite une richesse naturelle unique en Colombie, pays qui accueille depuis lundi à Cali la principale conférence de l’ONU sur la biodiversité.
Ernesto Rojas conserve les poissons dans des étangs protégés des oiseaux prédateurs par des filets. Il les vend ensuite à des exportateurs de Bogota, d’où ils sont acheminés vers les Etats-Unis, l’Asie ou encore l’Europe.
Les poissons sont placés dans des poches en plastique pour leur transfert aérien jusqu’à la capitale. De l’oxygène sous pression est injecté dans les sacs afin de garder les poissons en vie pendant le trajet.
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Parmi les espèces vendues, des sapuaras (Semaprochilodus laticeps), petits poissons au comportement vif et nerveux, ainsi que des poissons cardinaux appréciés eux pour leur comportement paisible en bancs.
Mais également des scalaires altum (Pterophyllum altum), prisés pour leur allure majestueuse avec leur longues et fines nageoires triangulaires. Dotés de stries noires ou rouges, cette espèce ne se trouve que dans cette région amazonienne.
Ernesto Rojas achète cette variété pour l’équivalent de deux dollars. Sur le marché américain, après être passée par plusieurs intermédiaires, elle atteint les 70 ou 80 dollars l’unité.
« Tant de beauté dans un si petit corps », s’émerveille M. Rojas en examinant son prochain envoi de 600 à 800 scalaires altum.
« Après avoir parcouru presque tout le pays, je suis arrivé ici par hasard (…) et j’ai vu beaucoup de poissons, je pense que c’est l’endroit où il y a le plus de poissons d’ornement » en Colombie, avance-t-il.
Vulnérables piranhas
La région concentre de fait 60% des 521 espèces autorisées à la vente dans le pays, selon l’Autorité nationale de l’aquaculture et de la pêche (Aunap), qui régule l’activité en Colombie.
L’entité fait état de 526 tonnes de poissons exportés en 2023, représentant six millions de dollars de revenus.
Dans une ville à laquelle on n’accède que par avion ou après un voyage fluvial de plusieurs jours, la pêche ornementale constitue « l’un des secteurs les plus forts de l’économie » locale, souligne auprès de l’AFP Oscar Javier Parra, directeur de l’autorité environnementale du département (CDA).
Afin d’assurer la « durabilité » de cette pêche, les autorités établissent chaque année une interdiction de sept semaines, généralement entre début avril et juin. Pour certaines espèces, comme le scalaire, la fermeture commence même plusieurs semaines plus tôt.
« Il s’agit d’une activité réglementée avec de très bonnes pratiques », assure M. Parra.
L’Etat veille aussi à ce qu’une poignée d’espèces considérées comme vulnérables, telles les piranhas ou l’énorme tucunaré coloré (Cichla temensis), ne soient pas extraites des eaux sombres et riches en minéraux de la rivière Inirida et de ses affluents.
Cette charge en minéraux serait en partie responsable des couleurs particulières du scalaire altum et d’autres espèces uniques à la région.
« Voir un animal perdre sa liberté pour la jouissance et le plaisir d’une personne » est un affront pour les défenseurs des droits des animaux, reconnaît M. Parra.
Mais, selon lui, la pêche ornementale pratiquée de manière artisanale, avec de petits filets, est une activité à faible impact dans une région où le principal moteur économique est l’extraction illégale d’or, une activité responsable du rejet chaque année d’énormes quantités de mercure dans les eaux.
Si « la pêche ornementale devait être fermée, ce serait pire » pour l’environnement, affirme-t-il.
© AFP
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