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Les Balinais, exaspérés par le surtourisme, espèrent une pause des constructions

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Un panneau à l'entrée d'un projet immobilier au milieu des rizières, à Canggu, sur l'île de Bali, le 22 octobre 2024 © AFP SONNY TUMBELAKA

Badung (Indonésie) (AFP) – Fatigués du tourisme de masse dont ils sont pourtant dépendants, les habitants de l’île indonésienne de Bali aspirent à plus de calme et de sérénité avec une pause des projets touristiques.

Avant d’être découvert par des surfeurs étrangers, Canggu, dans le sud de Bali, était un village vert et paisible au bord de la mer, entouré de rizières.

A présent, cette localité est remplie d’hôtels et ses rues sont constamment embouteillées par les voitures, les scooters et les camions.

Les autorités ont annoncé un projet de gel pendant deux ans des constructions d’hôtels, villas et discothèques, qui devrait restaurer un peu de tranquillité sur l’île hindouiste. A condition qu’il soit appliqué.

« Canggu est plus animé à présent… sa tranquillité et sa verdure disparaissent progressivement », se désole Kadek Candrawati, 23 ans.

Comme d’autres résidents, elle pense que des mesures sont nécessaires au vu des changements drastiques connus par Canggu.

« Le gouvernement et la communauté doivent travailler ensemble pour s’assurer que Bali reste verte, ait un avenir durable, et que la culture locale soit préservée », poursuit la jeune femme, propriétaire d’un magasin de location de moto qui lui rapporte sept millions de roupies (418 euros) par mois.

 « La future Singapour »

Avec sa végétation luxuriante, ses rizières et ses plages prisées des surfeurs, Bali, qui offre des complexes hôteliers de luxe comme des repaires de routards, voit un nombre croissant de touristes.

L’île a attiré près de trois millions de visiteurs étrangers pendant la première moitié de l’année, la plupart venant d’Australie, de Chine et d’Inde, selon les statistiques officielles.

Les touristes étrangers ont dépensé en moyenne 1.516 euros par visite l’année dernière, contre 1.068 euros en 2019 avant la pandémie de Covid-19, selon l’agence indonésienne des statistiques.

Après la pandémie qui a fait s’effondrer le nombre de touristes, le gouvernement a d’abord tenté de ramener rapidement les étrangers à Bali en offrant des visas spécifiques aux « nomades » numériques (travailleurs à distance) et des « visas dorés » aux gros investisseurs.

Mais l’île veut rétropédaler.

Sandiaga Uno, ministre du Tourisme jusqu’au mois dernier, avait indiqué que le plan de gel, dont l’objectif est d’empêcher le développement de nouvelles infrastructures massives dans les zones touristiques, serait mis en place pendant le mandat du nouveau président Prabowo Subianto, sans définir de date.

Un système de métro léger est aussi en projet afin de faciliter le trafic dans l’île.

Pourtant, les déclarations de Prabowo Subianto font douter de sa volonté de stopper le développement accéléré de Bali.

Lors d’une rencontre avec des dirigeants locaux, il a promis un deuxième aéroport international, afin de faire de Bali « la future Singapour, la future Hong Kong… un centre économique ».

Pour le groupe de défense de l’environnement indonésien Walhi, il est déjà trop tard.

« Bali est désormais bien trop construite, les espaces verts deviennent urbanisés », déclare son directeur exécutif, Made Krisna Dinata.

« Le moratoire proposé devrait être une législation devant non seulement arrêter le développement mais aussi protéger les terres », ajoute-t-il.

Les dégâts infligés à la beauté naturelle de Bali sont déjà visibles.

Une marée de déchets plastiques submerge régulièrement ses plages, tandis que la surexploitation des eaux souterraines a asséché plus de la moitié de ses rivières.

Le tourisme de masse menace également son système d’irrigation traditionnel, classé au patrimoine mondial par l’Unesco, qui alimente les rizières, à mesure que les zones vertes qui recueillent l’eau sont recouvertes de constructions.

 Saleté de l’eau

Récemment, des vidéos devenues virales ont montré des blocs de calcaire chutant dans la mer, en conséquence de l’excavation de falaises pour bâtir des villas dans le sud de Bali.

« De nombreux moniteurs de surf ont perdu leurs revenus, les clients ne veulent plus surfer en raison de la saleté de l’eau », déplore Piter Panjaitan, un surfeur de 42 ans.

Les mauvais comportements des touristes sont un autre facteur d’exaspération pour les locaux, notamment des incidents lors desquels des étrangers ont posé nus dans des sites sacrés au mépris des traditions et des interdits.

« Il y a plein de problèmes avec ceux qui viennent ici », poursuit Piter Panjaitan.

Les autorités assurent que le gel des constructions vise à trouver un équilibre entre l’apport de revenus touristiques et la préservation de l’île.

Le moratoire devrait aussi aider à développer des infrastructures au-delà du sud de Bali, où les touristes se concentrent actuellement, selon Tjok Bagus Pemayun, directeur du bureau du tourisme de Bali.

Pourtant, tout le monde n’est pas en faveur d’une pause.

I Gusti Ngurah Rai Suryawijaya, vice-président de l’association des hôtels et restaurants de Bali, appelle à une enquête plus approfondie avant de prendre des mesures pouvant nuire aux Balinais qui dépendent du tourisme.

« Quand il y a trop d’offre, un moratoire est acceptable afin de diminuer la concurrence, mais en ce moment, la demande augmente ». « Notre taux d’occupation atteint les 80 à 90% », note-t-il.

© AFP

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