Face aux inondations, les limites de l’aménagement du territoire

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Les dégâts des inondations dans le village de Limony, dans le département de l'Ardèche, le 18 octobre 2024 © AFP JEFF PACHOUD

Lyon (AFP) – Des barrages et des ponts certes, mais surtout des sondes et des alarmes: un mois après d’importantes inondations dans le centre-est, tous les acteurs soulignent qu’aucun aménagement du territoire ne protègera les populations aussi efficacement qu’un système d’alerte performant.

« On martèle toujours ce message: on peut faire des travaux, mais pas supprimer le risque », souligne Betty Cachot, directrice du syndicat de rivières Brévenne-Turdine (Rhône).

Depuis 2006, son syndicat a réalisé de nombreux aménagements sur ces deux cours d’eau qui traversent les Monts du Lyonnais. Présentés comme des modèles en matière de prévention des inondations, ils ont reçu la visite fin octobre du Premier ministre Michel Barnier.

Sur la Turdine, deux barrages écrêteurs de crue, semblables à de petits ponts, ont été installés. « Quand la rivière coule normalement, elle passe dessous. Dès qu’elle commence à grossir, l’eau est retenue » selon un système « d’entonnoir », explique Mme Cachot. « Ça permet de se laisser du temps pour évacuer » les populations, « voir de complètement contenir la crue ».

Le lit de la Brévenne, lui, a vu ses anciennes digues supprimées. « On redonne un maximum de place à la rivière » afin qu’elle puisse grossir sans déborder dans les zones habitables, détaille Mme Cachot.

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« Ça reste de l’ingénierie, mais basée sur la nature », explique Valérie November, chercheuse au CNRS, pour laquelle les gros ouvrages, à l’inverse, peuvent se révéler contre-productifs en « déplaçant le problème », comme les digues qui créent de l’érosion et augmentent les risques en aval.

Multiplication du risque

Sur les 16,8 millions de Français qui vivent en zone inondable dans un scénario de crues extrêmes en métropole, 2,5 millions habitent en Auvergne-Rhône-Alpes, selon des estimations de la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal).

Le bassin Rhône-Méditerranée est en effet confronté à des crues d’hiver (liées aux longues périodes de pluies), de printemps (pluie et fonte des neiges), ainsi qu’à des épisodes de précipitations intenses, plus ponctuels, comme les événements cévenols.

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« Aucune partie du bassin n’est complètement protégée du risque d’inondation », note Hervé Piégay, directeur de recherche au CNRS.

En zone urbaine, outre les débordements des cours d’eau, l’eau ruisselle sur les surfaces artificialisées et s’écoulent rapidement vers l’aval, amplifiant les pics de crue.

« À Lyon, il y a tout un historique d’imperméabilisation », indique le géographe. « A présent, on essaie de rouvrir l’asphalte partout où c’est possible, pour favoriser les phénomènes d’infiltration » et d’installer des bassins de rétention pour stocker l’eau.

Depuis 50 ans, souligne le chercheur à l’ENS, « on a eu tendance à augmenter notre vulnérabilité » en construisant de plus en plus près des cours d’eau, se pensant protégés par des aménagements. Mais quand ces ouvrages se montrent insuffisants, les dégâts sont désastreux.

 « Démunis »

Différents aménagements sont pensés pour différents niveaux de crue, explique Thomas Adeline, expert conseil en prévention des inondations: les ponts sont généralement conçus pour contenir des crues trentennales (qui ont une chance sur trente de se produire dans une année), les plans d’urbanisme pour résister à des crues centennales.

Quand elles dépassent ces seuils, « on est assez démunis », résume M. Piégay.

À ce moment-là, « la seule question, c’est la prévision et l’alerte », dit-il, c’est-à-dire avoir des services météorologiques performants et un système pour avertir les populations, minimiser les dégâts et sauver des vies.

À Valence en Espagne, où plus de 220 personnes ont péri dans des inondations le 29 octobre, les autorités ont d’ailleurs été accusées d’avoir tarder à envoyer un message d’alerte à la population.

Mais le dérèglement climatique, qui rend les précipitations plus intenses et imprévisibles, complique la mission de ceux qui doivent anticiper les risques. « On ne sait pas modéliser à quoi ressemblera une crue centennale dans 40 ans », relève Romaric Vallaud de la Dreal.

Dans le bassin Brévenne Turdine, le syndicat des rivières a mis en place de petits radars qui mesurent la hauteur de l’eau en temps réel, et s’assure que la population reste consciente du risque, notamment par des ateliers de sensibilisation.

« D’une certaine manière, je crois qu’on a eu la chance d’avoir des inondations » par le passé, concède Mme Cachot, parce que quand on parle de projets aux riverains « ils ne remettent pas en cause le fait que c’est utile, ils se souviennent ».

© AFP

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