L’accord avec le Mercosur suscite la défiance du monde agricole en France. Il ne ferait que renforcer une concurrence favorable à l’agro-industrie en Europe et en Amérique du Sud et délétère pour les petites exploitations françaises. En France, plusieurs visions de l’agriculture existent et leurs intérêts diffèrent. La Fondation Terre de Liens défend une agriculture de proximité bénéfique tant pour le revenu et l’emploi que pour l’environnement. En France aussi les grands projets agro-industriels existent et posent des questions. Or, dans un contexte de renforcement de la concurrence internationale, ils risquent de se multiplier.
A Peyrilhac, un projet de « méga-ferme » représentatif de l’industrialisation agricole
La commune de Peyrilhac, à l’ouest de Limoges, pourrait voir son paysage changer radicalement. T’Rhéa, société française appartenant au groupe Carnivor, veut y installer ce qui serait le plus grand centre d’engraissement bovin de France. Le projet, surnommé « ferme aux 3000 vaches », inquiète les riverains et les agriculteurs locaux. Suite à un avis défavorable à sa demande d’autorisation environnementale, T’Rhéa a dû revoir ses effectifs à la baisse. La société a réduit le nombre de bovins à 2 120. Toutefois, la Mission Régionale d’Autorité environnementale de Nouvelle-Acquitaine (MRAe) a pointé dans un rapport les nombreux points d’ombre qui persistent dans le dossier. Ceux-ci ont également conduit le conseil municipal de Peyrilhac à se prononcer de nouveau contre le projet mardi 19 novembre.
Vincent Laroche, bénévole pour la Fondation Terre de Liens, est particulièrement engagé contre ce projet de « méga ferme industrielle » qui impliquerait « des nuisances potentielles à la fois pour les riverains, pour l’environnement et pour l’agriculture locale ». Depuis 20 ans, la Fondation Terre de Liens s’oppose à de tels projets d’agriculture intensive promue par les accords de libre-échange.
À l’heure où les agriculteurs expriment de nouveau leur colère sur les routes, ce projet d’élevage industriel en Haute-Vienne reflète l’industrialisation de la filière, un phénomène auquel tous les exploitants n’adhérent pas.
L’agriculture bio, secteur oublié de la crise agricole
Les agriculteurs bio et locaux sont particulièrement menacés par de grandes exploitations comme le projet de T’Rhea en Haute-Vienne. Ils ont aussi été fragilisés par la crise. Selon Astrid Bouchedor, responsable de plaidoyer de Terre de Liens, « la crise a été particulièrement violente pour les agriculteurs bio parce qu’ils rencontrent déjà une crise de la demande ».
De surcroit, les mesures prises par le gouvernement l’hiver dernier en réponse aux mouvements de protestation des agriculteurs « n’ont absolument pas été en faveur de l’agriculture biologique ». Il s’agit davantage de « mesures ciblées en réponse aux revendications de la FNSEA », détaille-t-elle. Par exemple, il n’a pas été question pour la révision de la PAC de reconsidérer « les critères de surface » pour soutenir « les actifs agricoles » mais de « revoir à la baisse les règles environnementales », déplore Astrid Bouchedor. Lier les aides à la taille des exploitations favorise donc les grandes exploitations, au détriment des petites fermes.
L’accord Mercosur, un combat de plus pour les petites exploitations françaises
Dans ce contexte de crise agricole, quel serait l’effet d’une signature de l’accord Mercosur ? Le traité de libre-échange ne changerait pas la donne dans un secteur déjà en voie d’industrialisation. Il ne ferait qu’ « exacerber la concurrence » pour tous les agriculteurs français, selon Astrid Bouchedor. « Pour pouvoir être compétitif, il va falloir encore agrandir, industrialiser les outils de production pour gagner en productivité », détaille-t-elle. Cette « hégémonie des cultures céréalières intensives » se fera « au détriment d’un élevage extensif et de la diversification agricole ». L’agrandissement des exploitations, qui favorise la spéculation foncière, freine le renouvellement des générations d’agriculteurs sur les territoires… alimentant ainsi la crise agricole.
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En effet, la question de la maitrise du foncier agricole se révèle déterminante dans le modèle d’agriculture. Car, l’acquisition d’une ferme représente souvent un grand investissement financé à crédit. Il s’agit d’ailleurs du cœur de l’action de Terre de Liens, qui rachète des terres agricoles afin de permettre à de nouveaux exploitants de reprendre des fermes. L’objectif est de d empêcher la concentration des fermes et l’essor des grandes exploitations afin de maintenir une agriculture locale. Selon Vincent Laroche, l’autorisation du projet de méga-élevage près de Limoges porte un risque « de spéculation sur le foncier » : une fois installée, T’Rhéa pourrait essayer de racheter les propriétés des agriculteurs qui l’entourent. Ce qui ne serait pas sans incidence sur l’emploi local.
L’agriculture bio et locale, une réponse à la crise agricole
L’agriculture soutenue par Terre de Liens propose un système agricole plus viable non seulement socialement et écologiquement mais aussi économiquement. Pour Astrid Bouchedor, « la vocation » de l’association est de montrer que les fermes qui participent à ce modèle « sont rentables, durables, et qu’elles s’inscrivent dans un territoire vivant ». Un point de vue partagé par Vincent Laroche : « on a tout intérêt à avoir un réseau de petites fermes avec beaucoup de paysans qui s’installent ».
Le projet de centre d’engraissement en Haute-Vienne en est une bonne illustration. Sur 600 hectares, il est question de créer 7 à 10 emplois. « A titre de comparaison », pour une surface de 430 hectares, l’association Terre de Liens a aidé au développement « d’entre 25 et 30 équivalents temps plein sur 8 fermes », détaille le bénévole. De quoi repenser le rôle de l’agriculture locale dans la sortie de la crise agricole et dans la revitalisation des zones rurales.
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