Les récupérateurs, armée mondiale en première ligne contre la pollution plastique

Récupérateurs

Des récupérateurs de déchets recherchent des produits réutilisables et recyclables dans la décharge de Dandora à Nairobi, le 26 février 2022 au Kenya © AFP/Archives Tony KARUMBA

Busan (Corée du Sud) (AFP) – Ils sont entre 20 et 34 millions et arpentent les décharges de tous les continents en quête de matériaux recyclables: les récupérateurs jouent contre la pollution plastique un rôle capital, qu’ils espèrent voir juridiquement reconnu.

A Busan, en Corée du Sud, où les représentants de plus de 170 pays négocient un traité mondial contre la pollution plastique, une délégation de dix récupérateurs déambule dans les couloirs du palais des congrès au milieu des centaines de diplomates, militants écologistes et lobbyistes participant aux pourparlers.

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« Nous sommes la plus grande entreprise du monde », affirme à l’AFP Maria Soledad Mella Vidal, 54 ans, récupératrice à Santiago du Chili.

« Nous sommes 34 millions, nous sommes dans chaque coin du monde. Nous n’avons pas de financement, pas d’infrastructures, pas de machines. Nous faisons tout à la force des bras. Mais nous en sommes extrêmement fiers car notre contribution pour l’environnement est réelle ».

Seulement 9% du plastique produit dans le monde est recyclé, selon l’OCDE. Mais selon une étude publiée en 2020 dans la revue Science, 58% des plastiques qui le sont proviennent des récupérateurs, appelés « waste pickers » dans les pays anglophones, « cartoneros », « recicladores », « catadores » ou encore « pepenadores » en Amérique latine.

 3 dollars par jour

Johnson Doe, 39 ans, est devenu récupérateur à l’âge de 16 ans à Accra, au Ghana. « Il n’y avait pas de travail formel disponible, la seule façon de gagner sa vie était d’aller à la décharge », raconte-t-il.

Tous les jours, il attend l’arrivée des camions d’ordures dans l’un des dépotoirs de la ville, et ramasse les déchets recyclables qu’il revend à un intermédiaire. Son revenu moyen est de trois dollars par jour, « suffisamment pour vivre ».

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Après 23 ans de métier, le plastique n’a plus de secret pour lui.

« Ca c’est du PET, ça aussi. Ca c’est du polypropylène à haute densité. L’étiquette, c’est du polypropylène non-recyclable », explique-t-il en disséquant la bouteille d’eau posée devant lui pendant un entretien avec l’AFP.

« J’aime ce métier », poursuit-il. « Mais ce dont nous avons besoin, c’est d’intégration, de respect. (…) Depuis des années nous avons développé par nous-mêmes un modèle de développement durable. S’il y a des discussions dans ce domaine, nous devons en faire partie ».

 « Préjugés »

Mme Mella Vidal, elle, ne travaille pas dans les décharges. Il n’en existe plus au Chili depuis que l’enfouissement des déchets y est devenu la règle. Elle se lève à cinq heures, récupère les matériaux recyclables dans les rues avant le passage des éboueurs et les trie dans la cour de sa maison.

« Aucune machine ne peut remplacer la relation entre le récupérateur et le déchet », dit-elle. « Un clou, un morceau de verre peut enrayer une machine de tri. Nous, rien de nous arrête ».

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Elle aussi est devenue experte en plastiques, et plaide pour une interdiction des objets à usage unique. Elle prend pour exemple l’emballage de certains cachets de paracétamol: « C’est du PS (polystyrène). Sur le marché, ça ne vaut rien. En plus il y a une fine feuille d’aluminium collée dessus. C’est un problème d’éco-design. Comme pour les pots de yaourt ».

En 2022, une résolution de l’ONU a salué la « contribution significative » des récupérateurs dans la lutte contre la pollution plastique. Une reconnaissance que les récupérateurs aimeraient voir inscrite noir sur blanc dans le traité négocié à Busan, ce qui ouvrirait la voie à une reconnaissance légale de leur profession.

« Beaucoup de gens ont des préjugés sur nous. Ils pensent que nous sommes des délinquants ou des toxicomanes », regrette Mme Mella Vidal.

Substances toxiques

La vie d’un récupérateur ne vaut parfois pas grand chose. En 1992, onze d’entre eux avaient été découverts dans la morgue de l’université de Barranquilla, en Colombie, assassinés par balles ou à coups de gourdin par des vigiles qui avaient vendu leurs cadavres à l’école de médecine. Un douzième avait miraculeusement réussi à s’enfuir, alors qu’il avait déjà été plongé dans une bassine de formol, et à prévenir la police.

Ce crime avait choqué la Colombie et marqué le début d’un mouvement fédérateur.

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Le 1er mars, jour où le massacre de Barranquilla avait été découvert, est devenu la Journée mondiale des récupérateurs. Depuis 2022, l’Alliance internationale des récupérateurs, qui revendique 460.000 adhérents, porte leurs revendications à l’international.

« Le mouvement des récupérateurs latino-américains a été à l’avant-garde », explique Patrick O’Hare, professeur à l’Université St Andrews, en Ecosse, spécialiste de la question. « Plus récemment, un mouvement fort a émergé en Afrique. L’Inde aussi a des organisations très puissantes, dirigées pour la plupart par des femmes ».

Une meilleure couverture des soins de santé figure au premier rang des revendications de cette profession aux conditions et travail pénibles, et souvent exposée à des substances toxiques, aux fumées et à des déchets médicaux dangereux.

« Les gouvernements ne nous soutiennent pas. Personne ne nous soutient », déclare M. Doe. « Si un traité mentionne les récupérateurs, alors nous existerons légalement ».

© AFP

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