Jind (Inde) (AFP) – « J’ai peur que les autorités l’apprennent, mais je n’ai pas d’autre choix ». Cultivateur près de New Delhi, Ali Sher défriche ses terres par le feu, une pratique courante mais illégale qui nourrit les pics de pollution meurtriers dans le nord de l’Inde.
A 55 ans, il fait partie des milliers d’agriculteurs qui brûlent leurs chaumes après la récolte de riz pour préparer leurs champs à la culture hivernale du blé.
Si Ali Sher est pris en flagrant délit, il encourt une lourde amende et devra se passer d’importantes subventions du gouvernement.
Mais le brûlis est son seul moyen de défricher les terres dans les temps.
« Si je ne plante pas le blé maintenant, il sera trop tard », explique-t-il au milieu des panaches de fumée qui s’élèvent de son champ.
Surtout, cette pratique ancestrale reste peu coûteuse, notamment pour les cultivateurs possédant moins de 2 hectares – 86% des exploitations agricoles indiennes selon le Forum économique mondial – qui ne dégagent pas assez de bénéfices pour recourir à d’autres techniques.
Chaque année en début d’hiver, ces feux rendent l’air de Delhi – une mégapole qui figure sur le podium des villes les plus polluées de la planète en raison de sa circulation automobile effrénée et des émanations des usines – encore plus mortel.
Une étude publiée dans la revue médicale Lancet, attribue à la mauvaise qualité de l’air la mort prématurée de 1,67 million d’Indiens en 2019.
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Le gouvernement fédéral indien a débloqué des millions d’euros pour aider les agriculteurs à acheter des engins et renoncer aux brûlis.
« Nécessité »
Ils permettent notamment de comprimer en bottes la paille issue de la récolte de riz et de labourer le chaume pour l’enfouir au sol tout en semant les nouvelles graines.
Sur le long terme, cela représente un intérêt économique mais le coût global reste très élevé.
La mauvaise qualité de l’air a coûté en 2019 quelque 90 milliards d’euros de pertes à l’Inde, soit environ 3% de son produit intérieur brut (PIB), selon la firme de consultants Dalberg.
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Selon le Programme des Nations unies pour l’environnement, le brûlis « réduit la rétention d’eau et la fertilité des sols de 25 à 30% », ce qui contraint à dépenser plus en engrais et en irrigation.
Mais les petits exploitants disent ne pas avoir les moyens d’acheter les engins nécessaires et devoir recourir à des prestataires coûteux alors que le cours de la paille, moins utilisée comme litière ou fourrage en hiver, a baissé.
« Un petit agriculteur brûle son champ par nécessité », maugrée Ajay Saini, qui cultive du riz et du blé sur un hectare à 150 km au nord de Delhi.
Cette année, il a désespérément attendu pendant 15 jours un prestataire pour nettoyer son champ après sa récolte de riz, avant de se résoudre à mettre le feu à une partie pour ne pas tout perdre.
« J’ai appelé plusieurs fois, mais il ne voulait pas venir dans une petite exploitation comme la mienne », explique-t-il.
« Terre stérile »
Le nombre de brûlis a cependant diminué de moitié depuis 2017, selon des estimations du gouvernement.
Naresh, un agriculteur sexagénaire, n’y a plus recours, après avoir réalisé que « cela ne ferait que nous nuire ».
« Les micro-organismes du sol mourront et notre terre deviendra stérile », affirme Naresh, qui a bénéficié du soutien du groupe agroalimentaire espagnol Ebro Foods auquel il vend sa production.
Soucieux de réduire son empreinte carbone, le groupe a regroupé des agriculteurs de son village en coopérative, leur fournissant un semoir performant qu’ils utilisent à tour de rôle.
En contrepartie, les exploitants s’engagent à ne pas brûler leurs terres et à y pulvériser un produit fongique accélérant la décomposition, développé par l’Institut indien de recherche agricole (IARI).
Cette méthode permet de réduire le recours aux engrais car il « recycle les nutriments dans le sol », explique Surendra Pal, un cadre au sein du groupe qui a supervisé le projet.
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Mais ces pratiques ne sont guère répandues, beaucoup d’agriculteurs considèrent que le brûlis reste l’unique solution.
« Nous savons que c’est mauvais pour nos champs, mais nous le faisons faute d’autre choix », regrette Balkar Singh, un agriculteur du district de Panipat, dans l’Etat de l’Haryana.
© AFP
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