Le devenir des populations de lynx boréal en France inquiète les scientifiques. « La viabilité des populations de lynx boréal en France reste fragile, avec des freins à leur développement sur le territoire », selon le Muséum National d’Histoire Naturelle (MNHN) et l’Office français de la biodiversité (OFB). Début décembre, les deux institutions ont remis un rapport d’expertise scientifique collective et technique sur la viabilité des populations de lynx boréal dans notre pays au comité de pilotage du Plan National d’Action Lynx.
Ce document de 240 pages propose 8 scénarios sur l’évolution de la population du félin en France d’ici à 2130. Le plus grand félin sauvage d’Europe pourrait à nouveau disparaitre de France d’ici 100 ans.
« Nos travaux portent sur la dynamique de cette population. Ils concluent que nous sommes à l’heure actuelle, et encore pour quelques temps, sur une trajectoire de croissance. En revanche, à moyen et long terme, nos modèles amènent à s’interroger sur la viabilité des populations de lynx boréal en raison du manque de diversité génétique liée au faible nombre de fondateurs de ces populations », résume le professeur en écologie à Sorbonne Université François Sarrazin. Cet écologue au MNHN est spécialiste de la viabilité des espèces transloquées. Il explique qu’il y a actuellement 3 foyers de population en France pour l’animal, mais ces derniers ont des populations restreintes, ce qui porte un risque de consanguinité, et peu d’échanges entre eux.
Le lynx boréal, un revenant en danger
Actuellement, il y aurait entre 150 et 200 lynx boréals (Lynx lynx) en France. L’espèce avait disparu en raison du braconnage au début du XXe siècle. Dans les années 1970, elle a été réintroduite dans les Vosges tandis que des populations sont revenues naturellement dans les massifs alpins et jurassiens, notamment depuis la Suisse.
Voir la vidéo du MNHN consacré au lynx boréal en France
« Le lynx boréal est de retour dans l’Est de la France. Ses zones de présence sont en train d’augmenter dans la période historique récente », précise l’écologue François Sarrazin. Il reconnait que des « controverses » subsistent sur les chiffres de population de l’espèce. Toutefois, il ne sert à rien de « s’arquebuser sur le nombre d’individus présents à l’unité près ». Car, les populations « redémarrent » suite aux réintroductions avec une croissance dans le Jura mais une situation plus « fragile » dans les Vosges. L’espèce est considérée comme en danger sur le territoire français, malgré des mesures de protection. « Pour nous, écologues de la conservation, le lynx sera encore là en 2030. Mais, la question est de savoir si ces populations sont viables et le lynx encore là dans un siècle », développe le scientifique. Il fait part de l’existence d’un risque de déclin des populations voire d’extinction de l’espèce au niveau local dans certains scénarios du rapport commandité par le ministère de l’Ecologie. Ces derniers doivent notamment aider les autorités à mettre en place des mesures de protection.
« Deux grands processus menacent les viabilités de ces populations », confie François Sarrazin. Il y a un manque de « connectivité entre les noyaux de population » qui entraine un « manque d’échanges démographiques et génétiques ». Et, il y a les atteintes directes aux individus de l’espèce avec notamment les collisions avec les véhicules et le braconnage.
Une question de cohabitation
L’espèce est transfrontalière en Europe. Pour les chercheurs, il faut réduire la mortalité évitable liée aux accidents de la route (ils recommandent donc à chacun d’être vigilant au volant sur les routes dans les zones où la présence de faune sauvage est signalée) ou à la chasse. Cependant la remise en cause actuelle du statut du loup au niveau européen interroge aussi sur le devenir du lynx boréal. Car le félin est également un prédateur. « Il ne faut pas nier que le lynx peut avoir des effets de prédation sur élevages de manière ponctuelle. Ils sont perçus comme étant relativement gérable par les éleveurs même si cela reste une source de stress et de difficultés », estime François Sarrazin.
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Pour assurer la pérennité du lynx, les auteurs du rapport font des préconisations dans l’accompagnement sociologique du retour du lynx ainsi que 3 recommandations majeures en matière de conservation. Chacune est, selon les dires de François Sarrazin, « nécessaire mais non suffisante à elle seule » pour résoudre la question de la viabilité du lynx. Améliorer la connectivité entre les habitats et les populations, lutter contre les destructions d’animaux et « renforcer la population » avec éventuellement des réintroductions de lynx dans les régions où il vit déjà ou à proximité. Le chercheur remarque que « l’espèce fait sa place » car « le lynx est une espèce assez tolérante qui ne nécessite pas de disposer d’espaces dans lesquels personne n’est présent ». En dépit de conflits passés à son sujet, le lynx devient un facteur d’attractivité touristique. Il existe aussi des scénarios optimistes dans lesquels l’aire de répartition du lynx et ses effectifs progressent sur le territoire.
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Pour en savoir plus sur le lynx boréal
Lynx d’Europe | Muséum national d’Histoire naturelle (mnhn.fr)
Lynx boréal, un félin discret | Office français de la biodiversité (professionnels.ofb.fr)
Le rapport Expertise scientifique collective sur la viabilité des populations de lynx boréal en France
La vidéo du Muséum National d’Histoire Naturelle Lynx boréal : comment protéger le plus grand félin d’Europe ?
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