Quand l’Allemagne paie au prix fort son virage énergétique

éolienne Allemagne

Eolienne le 22 août 2023 à Simmerath, dans le nord de l'Allemagne. © AFP/Archives INA FASSBENDER

Francfort (Allemagne) (AFP) – Un ciel plombé faisant caler éoliennes et panneaux solaires, le prix de l’énergie qui crève les plafonds … Deux « pannes » d’électricité verte en Allemagne ont mis en évidence le casse-tête du virage énergétique dans la première économie d’Europe.

La question a fait irruption dans la campagne électorale pour les législatives du 23 février, le leader de l’opposition conservatrice attaquant Olaf Scholz cette semaine devant les députés.

« Votre politique énergétique fait grincer des dents l’ensemble de l’Union européenne, qui est aujourd’hui très en colère contre l’Allemagne », a tonné Friedrich Merz, favori pour succéder au dirigeant social-démocrate à la chancellerie.

Le ministre de l’Economie, l’écologiste Robert Habeck a riposté en dénonçant l’héritage des seize années où les conservateurs ont dirigé le pays, sous Angela Merkel, « aveugles » aux défis énergétiques qui s’annonçaient.

A l’origine de cette passe d’arme : un prix de l’électricité stupéfiant enregistré à deux reprises en novembre puis en décembre, pendant quelques heures. Le 12 décembre, en fin de journée, il a atteint un record historique de 936 euros par mégawattheure, soit douze fois la moyenne des dernières semaines.

La faute à un épisode hivernal sans vent -ni soleil- qui a mis à l’arrêt les parcs éoliens et photovoltaïques du pays.

Fluctuations

Certaines entreprises énergivores, qui achètent sur le marché en temps réel, ont témoigné avoir dû limiter ou arrêter momentanément leur production.

Pendant cette courte panne, l’Allemagne a acheté quantité d’électricité à la Bourse de Leipzig (est), qui joue un rôle clé dans la formation des prix de l’énergie en Europe, faisant s’envoler la facture de certains de ses voisins, comme la Suède.

La plupart des particuliers et de nombreuses entreprises ont cependant des tarifs fixes, qui les préservent de ces fluctuations. Et la situation est rapidement revenue à la normale avec le redémarrage de la production de renouvelables.

Face à la polémique, le gouvernement a rappelé une évidence : « Il y a des phases où il y a beaucoup de soleil, beaucoup de vent, où l’électricité est produite à un coût très bas en Allemagne, qui l’exporte dans les pays voisins, et puis il y a des phases où c’est l’inverse ».

Mais la troisième économie mondiale, déjà en perte de compétitivité, ne peut se permettre de dépendre des fluctuations de prix et de volumes d’électricité produits, insistent les experts.

En ligne avec les objectifs, les renouvelables ne cessent de progresser ayant représenté en moyenne 60% de la production d’électricité en Allemagne depuis le début de l’année.

Parallèlement, les sources traditionnelles d’énergie diminuent: les centrales à charbon ferment progressivement, et les trois derniers réacteurs nucléaires ont été déconnectés en avril.

Inertie

Pour pallier l’intermittence du solaire et l’éolien, il faut donc multiplier les capacités de stockage des renouvelables et conserver un deuxième parc de production, de centrales au gaz convertissables à l’hydrogène, pour prendre le relais quand c’est nécessaire.

Autant de chantiers qui n’avancent pas assez vite.

« Si l’État établit les bons cadres réglementaires, alors les investissements dans le stockage d’énergie et la flexibilité de la demande permettront de prévenir les pénuries », explique à l’AFP Georg Zachmann, spécialiste des questions d’énergies pour le cercle de réflexion bruxellois Bruegel.

Mais « il y a un grosse crainte que le cadre ne suffise pas à développer rapidement » les infrastructures nécessaires, souligne l’expert.

De nombreux obstacles, notamment bureaucratiques, demeurent pour le déploiement d’énergies vertes : « il faut en moyenne sept ans pour construire une éolienne, mais seulement sept mois pour construire un terminal de gaz naturel liquéfié. Cela devrait être l’inverse », souligne Claudia Kemfert, experte en énergie à l’institut DIW, auprès de l’AFP.

La chute de la coalition d’Olaf Scholz, qui va conduire à la formation d’un nouveau gouvernement après les élections de février, vient d’entraîner l’abandon d’un projet de loi clé pour bâtir un parc de centrales à gaz afin de remplacer le charbon.

Les milieux industriels tirent la sonnette d’alarme: Markus Krebber, patron de RWE, principal producteur allemand d’électricité du pays, voit un système qui a atteint « ses limites ».

Les « pannes vertes » du début d’hiver n’auraient, selon lui, « pas été gérables un autre jour avec une charge de pointe plus élevée. Par exemple en janvier ».

© AFP

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6 commentaires

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    • Balendard

    Il y a en Allemagne des phases avec beaucoup de soleil et beaucoup de vent, l’électricité étant alors produite à un coût très bas. L’Allemagne, l’exporte alors valablement vers les pays voisins.

    Mais il y a aussi des phases où c’est l’inverse. La compétitivité des nouvelles chaînes énergétiques est en effet associée au fait qu’il n’y a pas que la production et que des unités de stockage doivent être mise en œuvre en // sans attendre pour éviter que la compétitivité des nouvelles chaînes énergétique ne soient mise en péril. Cela pour que le prix de l’électricité soit plus stable et ne dépende plus comme le recommande les experts allemands des fluctuations de prix associés aux volumes d’électricité produits

    • Balendard

    Il faut du temps pour faire les choses
    La France ayznt choisi la mauvaise voie pour l’énergie avec le nucléaire elle pourrait utilement aider son voisin en lui fournissant l’énergie électrique à un prix raisonnable afin de l’assister pendant la période transitoire

    • Jérôme Robert

    M Balendard, expliquez nous pourquoi «  la France a fait le mauvais choix avec le nucléaire « ? Alors que l’EPR de Flamanville a démarré avec succès la production d’électricité ce 20 décembre

    • Serge Rochain

    Article propagandiste anti allemand….ni plus ni moins, Qui d’ailleurs est à contretemps car depuis déjà plusieurs jours l’Allemagne nous vend plus d’électricité que nous ne lui en vendons…..et c’est d’ailleurs ainsi depuis toujours glaobalement sur l’année, à quelques exceptions près.
    Il y a et il y aura toujours quelques jours chaque année où il n’y aura ni vent ni Soleil, ou plutôt pas assez de l’un ou de l’autre, et ce ne sont que des exceptions d’une dizaine ou une quinzaine de jours chauque année, ce qui ne remet pas en cause le principe de l’approvisionnement en électricité par les renouvelables puisque toujours largement sous exploités il existe des sources renouvelables permanentes, toujours disponibles comme la géothermie, ou l’hydraulique, ou l’énergie maréemotrice par exemple dont chaque pays est plus ou moins bien pourvu. En l’occurence l’Allemagne est bien moins natie que la France en hydraulique. Mais l’inconvénient de la variabilité est bien moins contreignant que les limitations du nucléaire qui produisant de façon constante ne repond pas aux variations du besoin car sa réactivité est insuffisante et la France ne pourrait pas utiliser le nucléaire sans sa formidable puissance installée hydraulique (un renouvelable) qui est même souvent insuffisante et nous contraint à recourir au gaz.
    De fait le nucléaire ne peut pas se passer du renouvelable alors que le renouvelable correctement équipé peut très bien se passer du nucléaire.
    Dailleurs l’Allemagne n’a pas besoin du secours du nucléaire français comme souvent écrit dans les articles de propagande pour le nucléaire, puisque l’Alleamgne exporte plus d’électricité qu’elle n’en importe.

    • Serge Rochain

    Non Monsieur Jerome Robert, l’EPR n’a pas démaré le 20 décembre comme vous l’écrivez, avec l’habitude de vendre la peua de l’ourse des nucléophile.
    Ce sublime retard de derniere minute illustre d’ailleurs très bien ce à quoi on doit toujourrs s’attendre avec le nucléaire. Une panne qui fait romber un réacteur demeure par nature imprévisible alors que nos excellent services de météorologies nous prévient plusieurs jours à l’avance de ce sur quoi on peut compter tant en vent qu’en ensoleillement à tel ou tel endroit du territoire, largment de quoi mettre en oeuvre les moyens d’adaptation à la situation attendue.

    • Jean-Pierre Bardinet

    C’est Angela Merkel qui a lancé l’Energiewende et qui a convaincu la Commission de l’imposer à toute l’Europe. Les objectifs étaient : baisse du bilan carbone et baisse du prix du kWh. Ces deux objectifs n’ont pas été atteints, et de très loin : 468 gCO2/kWh (28 gCO2 pour la France) et inflation du prix du kWh, ce qui pénalise son industrie. Pire, l’Energiewende a totalement perturbé les autres pays européens quand l’éolien et le solaire ne produisent quasiment rien, avec une très forte inflation du prix du kWh chez ses voisins, en particulier les pays nordiques qui, furieux,viennent de décider de couper leurs liaisons avec l’Allemagne.C’est Angela Merkel qui a lancé l’Energiewende et qui a convaincu la Commission de l’imposer à toute l’Europe. Les objectifs étaient : baisse du bilan carbone et baisse du prix du kWh. Ces deux objectifs n’ont pas été atteints, et de très loin : 468 gCO2/kWh (28 gCO2 pour la France) et inflation du prix du kWh, ce qui pénalise son industrie. Pire, l’Energiewende a totalement perturbé les autres pays européens quand l’éolien et le solaire ne produisent quasiment rien, avec une très forte inflation du prix du kWh chez ses voisins, en particulier les pays nordiques qui, furieux, viennent de décider de couper leurs liaisons avec l’Allemagne.