Une nouvelle étude scientifique révèle la durée de transit de l’eau dans les végétaux au niveau mondial, un aspect jusque-là mal-connu du cycle de l’eau. L’eau reste entre 5 et 18 jours dans les plantes avant de revenir dans l’atmosphère par évapotranspiration.
Le passage par les plantes, une étape souvent négligée dans le cycle de l’eau
« Les plantes sont la partie oubliée du cycle global de l’eau », bien que leur rôle dans la circulation de l’eau soit connu, affirme Andrew Felton de l’université Chapman en Californie. Il est l’auteur principal de l’étude qui a donné lieu à une publication en janvier dans la revue Nature Water. L’auteur revient sur la démarche : « nous savons depuis longtemps que le retour de l’eau dans l’atmosphère depuis le sol se fait au travers des plantes. Mais, nous ne connaissions pas vraiment jusqu’à présent le temps nécessaire au transit de l’eau par la végétation. » Et la découverte principale de l’étude réside dans la brièveté de ce transfert de l’eau par les plantes, ce qui en fait une des étapes, si ce n’est l’étape la plus courte du cycle de l’eau. Andrew Felton : « nos recherches montrent que le temps de transit de l’eau dans les plantes est de l’ordre de quelques jours alors que dans les autres étapes du cycle de l’eau les durées atteignent des mois, des années, voire des siècles. »
Une part infime mais vitale de l’eau
L’étude réalisée notamment grâce à des données satellitaires de la NASA a permis d’estimer les quantités d’eau douce stockées par la végétation. Les plantes contiennent ainsi 0,0002 % de toute l’eau douce disponible sur Terre, soit 786 km3. Le temps de passage de l’eau dans les plantes dépend de la nature de ces dernières, de la région et du climat. Il est plus bref dans les champs, les prairies et les savanes : 5 jours pour les cultures contre 18 jours pour les conifères.
Le changement d’affectation des sols perturbe le cycle de l’eau
La durée très courte de passage de l’eau dans les cultures est une des découvertes surprenantes de cette étude. L’utilisation des sols pour l’agriculture homogénéiserait ainsi le cycle de l’eau au niveau mondial, l’accélérant et l’intensifiant, selon un des auteurs de l’étude Gregory Goldsmith, professeur de biologie à l’université Chapman. Il affirme que le changement d’affectation des sols, notamment au profit de l’agriculture, contribue à « rendre plus rapide le retour de l’eau dans l’atmosphère où elle peut ensuite être à l’origine de fortes pluies. »
Ralentir le cycle de l’eau pour qu’elle reste plus longtemps sur un territoire
Les résultats de cette étude ouvrent aussi des perspectives dans la compréhension du cycle de l’eau, qu’il s’agisse du grand (mondial) ou du petit cycle (continental), tout en mettant en lumière le potentiel de l’eau verte, celle contenue par la végétation. Sabine Sauvage, ingénieure de recherche au CNRS au Centre de Recherche sur la Biodiversité et l’Environnement à Toulouse, raconte que « le petit cycle de l’eau et ses rétroactions sont encore mal connues. Le petit cycle de l’eau n’est donc pas aujourd’hui pris complètement en compte dans les modèles climatiques et les rapports du Giec. Les scientifiques travaillent actuellement à en améliorer la connaissance pour les intégrer à notre compréhension du climat au niveau local et mondial. »
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« L’évaporation de l’eau par les plantes est nécessaire pour le cycle de l’eau », déclare Sabine Sauvage. « Donc, si on veut favoriser et atténuer les évènements extrêmes au niveau des précipitations, le reboisement est nécessaire. L’idée est de relancer un cycle de l’eau local. C’est pourquoi connaître le temps de transit de l’eau dans les végétaux peut se montrer important. » Il est envisageable de revégétaliser une région et de relancer un cycle de l’eau local (petit cycle) comme l’ont déjà démontré des expérimentations en Californie ou encore au Brésil.
« Avec la réhabilitation du cycle de l’eau, on peut changer le climat local », résume son collègue José-Miguel Sánchez-Pérez, directeur de recherche CNRS au Centre de Recherche sur la Biodiversité et l’Environnement à Toulouse.
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Sollicités par GoodPlanet Mag’ pour réagir à l’étude publié dans Nature Water, les deux chercheurs toulousains du CNRS n’ont pas pris part à l’étude. Ils citent en exemple la replantation des forêts ou la constitution des ceintures vertes qui affectent localement les précipitations. Ils ajoutent que les végétaux adoptent aussi des stratégies différentes pour gérer l’eau en fonction de leurs besoins. Les arbres peuvent ainsi aller en chercher davantage s’ils en manquent ou au contraire en libérer s’ils en ont trop. José-Miguel Sánchez-Pérez insiste sur la nécessité de « reforester, mettre des haies, modifier les pratiques agricoles en allant vers l’agroforesterie pour mieux gérer le cycle de l’eau et qu’elle reste localement disponible plus longtemps. Il faut ralentir le cycle de l’eau afin qu’elle reste plus longtemps sur un territoire. »
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Pour aller plus loin
L’étude (en anglais) Global estimates of the storage and transit time of water through vegetation | Nature Water
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