Budget 2025, l’Agence BIO menacée de disparition par le vote d’un amendement au Sénat

sobriete france bio agence bio suppression

Le marché d'Aligre du XIIème arrondissement de Paris © Yann Arthus-Bertrand

Le sénateur de la Haute-Loire Laurent Duplomb (Les Républicains) a proposé dans un amendement adopté vendredi 17 janvier par le Sénat de mettre fin à la subvention accordée à l’Agence française pour le développement et la promotion de l’agriculture biologique. La survie de cette agence plus communément appelée Agence BIO est menacée si l’amendement déposé est conservé dans la loi de Finance 2025. La situation suscite l’incompréhension dans le monde agricole et associatif. D’autant plus que ce vote survient au moment où la Bio a besoin de soutien et à quelques semaines du lancement d’une campagne nationale de promotion des produits bio français auprès des consommateurs par l’Agence BIO à l’occasion du salon de l’Agriculture.

Un amendement pour rationaliser

Le vote d’un amendement, qui ne sera peut-être pas retenu dans la loi finale, est courant, mais le cas de la suppression des fonds alloués à l’Agence BIO interroge le monde agricole. Il a en effet reçu le soutien de responsables politiques. La ministre de l’Agriculture Annie Genevard s’est positionnée en sa faveur, trouvant l’idée « pertinente » tandis que le gouvernement a émis un avis de sagesse à cet amendement.

L’amendement prévoit d’annuler « 2,9 millions d’euros sur un programme consacré à la compétitivité et à la durabilité de l’agriculture », explique Actu-Environnement. L’argument avancé est de rationaliser et de réduire les coûts en confiant les missions de l’Agence directement au ministère ou à Agrimer. « Les missions de l’Agence BIO, et notamment la gestion du Fonds avenir bio, continueraient toutefois à être assurées. Le soutien financier au bénéfice de l’agriculture biologique serait ainsi bien maintenu », assure le sénateur Duplomb, agriculteur de profession, toujours cité par Actu-Environnement.

Budget agriculture : la droite sénatoriale supprime l’Agence Bio, et provoque la colère des écologistes – Public Sénat

[À lire aussi La crise de la Bio en temps de malaise agricole]

Un amendement qui suscite l’opposition unanime du monde agricole et associatif

À l’heure actuelle, le sort de l’Agence Bio est suspendu au vote du budget 2025. Mais le risque de la voir disparaître mobilise bien sûr les acteurs de la filière et plus généralement le monde agricole.

« Cette décision brutale est un non-sens puisqu’elle intervient alors même que les moyens de l’Agence BIO ont augmenté de près 75% depuis 2022, dans le but de financer les besoins d’une filière qui commence à rebondir après 3 ans de marasme économique, pour repasser à nouveau la barre des 13 milliards d’euros de chiffre d’affaires », peut-on lire dans un communiqué signé notamment par le président de l’Agence BIO Jean Verdier et d’autres représentants de la filière.

« Nous sommes contre la suppression de l’agence car elle est extrêmement importante pour l’ensemble de la profession », réagit Mathilde Gsell responsable plaidoyer du Synabio qui représente 210 entreprises agroalimentaires bio. Synabio participe à la gouvernance de l’Agence BIO et a co-signé le communiqué cité précédemment. Sollicitée par GoodPlanet Mag’, elle précise que l’Agence Bio joue un rôle majeur dans la promotion du bio auprès des consommateurs ; « on venait d’avoir des investissements importants attendus depuis des années pour lancer une grande campagne nationale C’est « Bio la France » ciblant le consommateur » L’objectif est de « relancer la dynamique de consommation qui est à l’arrêt depuis 2021 dans le bio ».

[À lire aussi Consommation responsable en France, quand le prix juste figure parmi les premières attentes]

« Cette décision intervient à un moment ou l’agriculture bio a passé plusieurs années difficiles, l’inflation impactant négativement son développement. Alors que la demande pour le Bio redémarrait en 2024 et que l’utilité de cette agriculture pour protéger l’environnement est plus évidente que jamais, le Sénateur Duplomb a donc eu l’idée de vouloir porter un coup à sa promotion », souligne l’ONG Générations Futures qui lutte contre les pesticides dans un communiqué propre. Elle dénonce d’ailleurs une collusion d’intérêts entre la droite, le gouvernement, les syndicats agricoles et le lobby des produits phytosanitaires. « Générations Futures dénonce l’attitude scandaleuse de la ministre de l’Agriculture qui apparait de plus en plus comme le bras armé des syndicats agricoles conservateurs (FNSEA, JA…) dans le gouvernement, soutenant systématiquement des reculs sur la question des polluants agricoles »

Dans leur propre communiqué, « Jeunes Agriculteurs et la FNSEA déplorent que l’amendement adopté n’ait fait l’objet d’aucune consultation préalable des organisations professionnelles agricoles. C’est regrettable en termes de méthode alors qu’une réflexion plus transversale sur le rôle de l’ensemble des Agences serait certainement utile. Nous le déplorons également sur le fond, alors que l’agriculture biologique traverse une période de grandes difficultés économiques et structurelles. »

L’agence BIO, reflet des contradictions de l’État sur la transition écologique

Le souhait de mettre fin aux activités de l’Agence BIO se révèle d’autant plus incohérent et incompréhensible que la France s’est fixée comme objectif dans la loi d’avoir 21 % de sa surface agricole utile en bio en 2030. Cela est un moyen de réduire la pollution engendrée par les pesticides ainsi que l’impact climatique de l’agriculture et de proposer de produits agricoles à plus forte-valeur ajoutée pour faire face à la crise agricole. Dans le même temps, il existe une demande d’une partie du monde agricole, hors secteur du bio, de revoir les normes encadrant les activités agricoles. Ces dernières sont contestées comme étant jugées trop contraignante set complexes. Le gouvernement tergiverse sur ces sujets et envoie de fait des signaux contradictoires à une profession malmenée. En résumé, le besoin de faire des économies sur le budget risque finalement de se payer cher, en privant un secteur agricole d’un de ses leviers de développement.

[À lire aussi Le secteur du bio confronté à une période difficile en France]

Au fait, c’est quoi l’Agence française pour le développement et la promotion de l’agriculture biologique ?

L’Agence BIO est un groupe d’intérêt public fondé en 2001. Elle emploie une vingtaine de collaborateurs dont la mission est notamment de promouvoir la filière. Sa direction est collégiale avec une présidence tournante, elle regroupe une dizaine d’acteurs de la filière dont les ministères de l’Agriculture et celui de l’Ecologie, ainsi que la FNAB (Fédération nationale de l’agriculture biologique), Synabio ou encore Interbio, pour ne citer qu’eux.  Mathilde Gsell, responsable plaidoyer du Synabio, fait part de la crainte des acteurs du secteur d’une internalisation des compétences de l’agence « un vrai outil au service de la filière » au sein du ministère de l’agriculture n’aboutisse à « une perte de dynamisme de l’agence, alors qu’elle fonctionne très bien. ». Selon elle, la gouvernance collégiale de l’Agence constitue une de ses forces qui permet à différents acteurs d’être représentés, que ce soient les producteurs, les transformateurs ou les distributeurs.  « Ce qui permet de prendre des décisions en lien avec les professionnels », met en avant Mathilde Gsell.

infographie agence bio france
Infographie présentant l’Agence BIO DR Agence Bio

En plus de produire et fournir des statistiques sur le secteur, elle gère le Fonds Avenir Bio qui aide au développement de la filière. Comme le note le communiqué des soutiens à l’Agence BIO, celle-ci « a justement pour mission d’informer le citoyen français pour qu’ « il vote avec son porte-monnaie » et consomme plus de bio. Pour générer des débouchés pour les filières bio françaises, qu’elle finance (plus de 120 millions d’euros et 350 infrastructures produisant du bio made in France partout sur le territoire depuis sa création). »

Pour le moment, la défense de l’Agence est portée « par les acteurs professionnels et la société civile », afin de « chercher à convaincre les parlementaires de l’importance de cette agence », précise Mathilde Gsell de Synabio. Elle se dit « inquiète » surtout que ce choix semble relever « d’une économie de bout de chandelle délétères pour une filière qui a besoin de soutien en ce moment ». Il n’existe donc pas à la date de la rédaction de ces lignes de pétition pour les citoyens. Toutefois, chacun peut à sa manière interpeller les décideurs, que ce soit par les réseaux sociaux ou en écrivant aux élus, ou en relayant l’information.  Rectification à 18h25 le mercredi 22 janvier, une pétition portée par Agir pour l’environnement a été mise en ligne pour soutenir l’Agence BIO.

[Refusons la suppression de l’Agence Bio ! – Agir pour l’Environnement]

40 ans toujours bio certes, mais où en est la France dans la Bio ?

Le label AB (agriculture biologique) célèbre ses 40 ans en France. Le faire connaître et le promouvoir fait partie des missions de l’Agence BIO. D’autant plus qu’en dépit d’ambitions fortes, 18 % de surfaces agricoles en bio en France en 2027, les conversions ralentissent dans le pays. Aujourd’hui, selon les dernières données, datant de 2023, seul 10 % du territoire est cultivé en bio.  Une surface qui s’est réduite de 1,9 % entre 2022 et 2023 alors que le nombre d’exploitations augmentait. On compte désormais plus de 61 000 fermes en bio, filière qui emploie plus de 140 000 personnes.

 

bio en france
Infographie – L’agriculture biologique (chiffres 2023) | Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire  DR

Pourtant, en raison de l’inflation, le secteur connait des difficultés. C’est pourquoi, l’existence et le maintien d’une agence qui soutient le secteur reste plus que jamais pertinent. Le rôle du bio, même s’il ne constitue pas l’alpha et l’oméga, dans la souveraineté alimentaire est reconnu, à l’heure où les traités de libre-échange sont critiqués notamment pour leur impact socio-économiques et environnementaux.

Julien Leprovost

Cet article vous a plu ? Il a été rédigé par un de nos rédacteurs, soutenez-nous en faisant un don ou en le relayant.
L’écologie vous intéresse ? Inscrivez-vous 
gratuitement à notre newsletter hebdomadaire.

Pour aller plus loin

Le site Internet de l’Agence Bio

La pétition Refusons la suppression de l’Agence Bio ! – Agir pour l’Environnement

L’amendement déposé au Sénat par le sénateur Laurent Duplomb pour supprimer une partie des crédits accordés à l’Agence Bio

Infographie – L’agriculture biologique (chiffres 2023) | Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire

Budget agriculture : la droite sénatoriale supprime l’Agence Bio, et provoque la colère des écologistes – sur Public Sénat

Infographie – L’agriculture biologique (chiffres 2023) | Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire

À lire aussi sur GoodPlanet Mag’

Au-delà du Mercosur, la lutte pour un modèle agricole responsable

Témoignage : les pesticides ont «bousillé ma vie»

Suspension du plan Ecophyto, décryptage sur les enjeux derrière la réduction des pesticides

Ecrire un commentaire