Aujourd’hui, seulement 2 % des microplastiques polluant l’eau potable sont assez grands pour être mesurés et faire l’objet d’une réglementation. Mais cela pourrait bientôt changer. Dans une étude, deux chercheurs du CNRS et de l’Université de Toulouse présentent une nouvelle méthode permettant de détecter les 98 % de microplastiques restants. L’enjeu est de taille, puisque ces minuscules fragments de plastique seraient également les plus dangereux pour la santé.
Trop petits pour être détectés. 98 % des résidus de plastique inférieurs à 20μm (micromètres) présents dans l’eau potable passent ainsi entre les mailles du filet. Ils ne font donc l’objet d’aucune régulation. Pourtant, en raison même de leur petite taille, ils sont plus susceptibles de générer des problèmes de santé, selon les chercheurs Oskar Hagelskjær et Gaël Le Roux. « L’intérêt de notre étude, c’est qu’elle porte sur les plus petites particules, qui sont intégrables par le vivant car elles ont des tailles similaires à une cellule humaine », souligne ce dernier. La nouvelle technique de micro-spectroscopie Raman a permis aux auteurs de l’étude de détecter ces particules et d’ouvrir la voie à une amélioration de la qualité de l’eau.
Des microplastiques omniprésents
Pour la recherche menée à Toulouse, les scientifiques ont étudié dix marques d’eau en bouteille ainsi que l’eau du robinet. Ils ont constaté de fortes disparités, avec des taux de microplastiques s’échelonnant de « 19 à 1 154 microplastiques par litre ».
Contrairement à une idée répandue, l’étude établit également que les bouteilles en plastique ne sont pas la source principale de la pollution de l’eau qu’elles contiennent. En effet, les chercheurs ont identifié pas moins de 17 types de polymères différents dans leurs échantillons. Seulement l’un d’eux, le « polyéthylène téréphtalate (PET) » est issu des bouteilles en plastique elles-mêmes. Or, « bien que toutes les marques d’eau en bouteilles étudiées aient été stockées dans des conteneurs en PET, celui-ci n’a été détecté que dans 7 marques sur 10 », note l’étude. Par ailleurs, « dans 3 de ces 7 marques, la concentration en PET ne dépassait pas 5 % du taux total de microplastiques ».
Dans l’eau courante toulousaine, les chercheurs ont relevé un taux de « 413 microplastiques par litre ». Il s’agit d’une concentration « plus forte que dans 8 des 10 marques de bouteilles d’eau étudiées ». Cette contamination plastique n’est que le reflet de « l’imprégnation de notre environnement » selon Gaël Le Roux. Puisque « l’ensemble du globe est contaminé aux microplastiques, les eaux le sont aussi, qu’il s’agisse des eaux de rivières comme la Garonne ou des eaux souterraines ».
Des risques plus élevés de cancers et maladies cardiovasculaires
Cette omniprésence des microplastiques, y compris dans l’eau potable, a de sérieuses implications en matière de santé. « L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) considère que les microplastiques dont la taille est inférieure à10 μm ont l’impact le plus important sur la santé humaine, du fait de leur capacité à pénétrer les tissus organiques », rappelle l’étude. À l’impact du plastique en lui-même s’ajoute celui de ses additifs. Certains « sont connus pour leurs propriétés de perturbateurs endocriniens et d’autres effets sévères sur la santé ». Ils « constituent jusqu’à 6 % du poids de toute la production plastique ».
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Malgré un manque de connaissances concernant les risques que ces composants posent pour la santé humaine, des scientifiques ont déjà observé des tendances inquiétantes chez les personnes travaillant dans la production de plastique et chez celles vivant près des lieux de production. La liste est longue. L’étude mentionne de « plus hauts risques de naissances prématurées, d’insuffisance pondérale à la naissance, d’asthme, de leucémie infantile, de maladies cardiovasculaires, de maladies pulmonaires obstructives chroniques et de cancer du poumon ». Les auteurs de l’étude concluent donc qu’il est d’ores et déjà « préférable de fixer un seuil de concentration en microplastiques faible mais réalisable plutôt que d’éviter toute action, même si le profil toxicologique des microplastiques n’est pas encore complètement développé ».
« À choisir, mieux vaut consommer l’eau du robinet »
Les chercheurs préconisent donc une plus grande régulation des microplastiques dans l’eau potable grâce au nouveau système de micro-spectroscopie Raman. Celui-ci pourrait même permettre de les détecter dès 1μm et ainsi d’assurer une meilleure purification de l’eau.
Ce processus sur le long terme nécessite des moyens financiers et humains considérables, précise Gaël Le Roux. C’est pourquoi il devrait relever de la responsabilité des pouvoirs publics. « À choisir, mieux vaut consommer l’eau du robinet car elle est gérée collectivement », recommande donc le chercheur. En effet, il s’agit de l’eau que les autorités pourraient réguler le plus efficacement dans les années à venir. De plus, « elle évite l’usage des contenants plastiques à usage unique » qui ont un impact désastreux sur l’environnement.
De nouvelles régulations en perspective
Optimiste, Gaël Le Roux souligne que la pollution de l’eau aux microplastiques est aujourd’hui au cœur de la recherche scientifique, de nouvelles études étant attendues prochainement. Les progrès des méthodes de détection pourraient également permettre une meilleure régulation des microplastiques de taille encore plus réduite, comme les nanoparticules. À cette activité scientifique répond également une mobilisation des agences de l’eau qui « s’emparent du problème ». De nouvelles réglementations sur la qualité de l’eau potable sont donc à espérer dans les prochaines années.
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