Rome (AFP) – Riches nations et pays en développement, d’accord sur l’urgence pour l’humanité de stopper sa destruction de la nature, se livrent une ultime bataille jeudi à Rome sur le financement de cet objectif vital, quatre mois après l’échec des négociations de la COP16 en Colombie.
Le temps manque mais les milliards de dollars aussi pour que le monde tienne son objectif de cesser d’ici 2030 la déforestation, la surexploitation des ressources et les pollutions qui mettent en péril l’alimentation de l’humanité, la régulation du climat et la survie d’un million d’espèces, menacées d’extinction.
Ce dessein, fruit de l’accord historique de Kunming-Montréal scellé fin 2022 lors de la 15e conférence de la Convention sur la diversité biologique (CDB), s’incarne dans un programme de 23 objectifs à réaliser d’ici 2030. Le plus emblématique prévoit de placer 30% des terres et mer dans des aires protégées (contre 17% et 8% actuellement, selon l’ONU).
Deux ans plus tard, les 196 pays signataires de la CDB devaient s’accorder à la COP16 de Cali sur la manière de résoudre la faiblesse de financement de cette ambitieuse feuille de route.
Celle-ci prévoit que le monde porte à 200 milliards de dollars par an d’ici 2030 les dépenses consacrées à la nature, dont 30 milliards d’aide fournie par les pays développés aux pays pauvres (contre environ 15 milliards en 2022).
Créer un fonds ?
La manière dont l’argent doit être récolté et partagé est devenue toutefois si controversée, entre les grandes puissances et le reste du monde, qu’ils se sont quittés à Cali le 2 novembre sans accord, les obligeant à une prolongation à Rome, débutée mardi au siège de la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture).
Après deux jours de négociations au bord du Circus Maximus, sur fond de détérioration des relations internationales et de guerres commerciales, les négociateurs ont reçu mercredi en fin de journée un nouveau texte établi par la présidence colombienne, qui cherche à naviguer entre les lignes rouges de chaque bloc.
Le principal point d’achoppement est la revendication des pays en développement de créer un fonds dédié à la protection de la nature et placé sous l’autorité de la COP, comme prévu par le texte de la convention sur la biodiversité de 1992.
Mais les pays développés – menés par l’Union européenne, le Japon et le Canada en l’absence des États-Unis, non-signataires de la convention mais important contributeur financier – y sont hostiles: ils craignent une fragmentation de l’aide au développement, déjà fragilisée par les crises budgétaires et l’effacement des Américains depuis l’élection de Donald Trump.
Le compromis de la présidence colombienne prévoit d' »améliorer les performances » des instruments existants, en premier lieu le Fonds mondial pour l’Environnement (GEF, en anglais) et le Fonds-cadre mondial pour la biodiversité (GBFF, en anglais), une solution provisoire adoptée en 2022 et modestement dotée (400 millions de dollars).
Le texte renvoie ensuite à la COP18, en 2028, le soin de décider s’il faut un nouveau fonds ou si ces instruments existants peuvent être transformés pour correspondre aux attentes des pays en développement, nombreux, pays africains en tête, à les juger inéquitables et difficiles d’accès.
« Nous n’avons pas de temps à perdre, le monde nous regarde et nous avons la responsabilité de lui montrer que le multilatéralisme peut marcher », a exhorté en plénière le ministre canadien de l’Environnement Steven Guilbeault, pour encourager à accepter le compromis.
« Il s’agit d’un texte très soigneusement équilibré », a abondé le représentant du Royaume-Uni, tandis que la ministre française Agnès Pannier-Runacher appelait à se résigner: « les textes satisfaisants pour tout le monde, ça n’existe pas », a-t-elle déclaré à la presse.
« Nous sommes réellement déçus », leur a répondu le Brésil, par la voix de sa négociatrice en cheffe, Maria-Angelica Ikeda. La création d’un nouveau fonds « aurait dû être construite à la COP1 et nous avons seulement 15 COP de retard », soit 30 ans, a-t-elle regretté.
Le texte de compromis prévoit une feuille de route pour améliorer d’ici 2030 les différents circuits financiers destinés à la sauvegarde de la nature, afin de répondre aux difficultés des pays pauvres et endettés.
Mais « il s’agit d’un processus extrêmement lourd avec de nombreuses étapes », faisant peser la menace d’une « paralysie bureaucratique », a déploré le délégué égyptien, tandis que la République démocratique du Congo multipliait les prises de paroles scandalisées.
Les débats doivent reprendre à 10H00 et sont censés se conclure dans la soirée, même si la perspective d’une prolongation vendredi reste envisageable.
© AFP
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