L’autiste invisible

autisme

Dans ce témoignage, Olivia Cattan dénonce la ségrégation silencieuse des enfants autistes en France. Le 2 avril est la journée mondiale de sensibilisation à l’autisme. A cette occasion nous publions des extraits du livre Olivia Cattan D‘un monde à l’autre, Autisme : Le combat d’une mère. Dans cet ouvrage, elle raconte la manière dont elle découvre l’autisme dont son fils est atteint et diagnostiqué vers l’age de 4 ans et elle s’interroge sur la capacité de nos société a accueillir les autistes. Voici donc le préambule de son ouvrage e tle 7e chapitre.

Préambule L’autiste invisible
On nous dit qu’il y en a six cent mille en France mais où sont- ils ?

Ils ne sont pas dans les écoles ni dans les centres de loisirs, les salles de sport ou les conservatoires, pas même dans le métro, les magasins ou les entreprises. Pire que des enfants cachés  pendant la guerre, ce sont des fantômes invisibles qui errent aux frontières de notre monde à la recherche d’une main tendue et d’un peu de lumière.

Est-ce leurs parents qui les cachent ?
Se censurant eux- mêmes en voulant protéger la chair de leur chair du regard d’autrui ?
Les sortent- ils seulement la nuit pour qu’ils puissent sentir la brise du soir et le reflet et de la lune sur leurs visages ?

Parce que le regard des gens n’est pas bienveillant et qu’il est curieux, moqueur et insultant ! Comme si l’autisme était un terrible virus qui risquait de s’attraper en un instant !

Et quel est le visage de l’autisme que l’on nous montre sans cesse ? Sinon celui d’un enfant ou d’un surdoué adulte ?

L’enfant parce qu’il reste angélique et inoffensif, le surdoué parce qu’il est plus intelligent que la norme des gens ? Pourquoi ne voit-on jamais d’adulte autiste ou de petits vieux autistes ?

Est- ce qu’il existe des autistes mariés ? Des autistes qui ont une sexualité ? Des autistes diplômés ? Des autistes syndicalistes ou employés ? Des autistes élus ou retraités ?

Ils existent probablement mais qui veut les montrer ?

Comme si le fait de croire qu’ils ne peuvent pas penser impliquait qu’ils n’aient pas d’avenir ou même le droit de vieillir.

Alors on les cache jusqu’à les oublier.

Oublier qu’ils existent et qu’ils sont six cent mille en France à errer d’hôpital en asile, exilés dans leur propre pays qui leur refuse l’asile et le droit d’exister

[…]

 La suspicion

Après cette première rentrée désastreuse, nous avions l’impression que la vie avait voulu nous donner une grande claque. Il n’était plus question d’attendre patiemment en errant de médecin en médecin, en écoutant les avis des uns et des autres. Nous devions prendre les choses en main et devenir maîtres de ce qui nous arrivait. Il fallait trouver par nous- mêmes ce dont souffrait notre fils. Même si certains amis nous racontaient qu’eux aussi s’étaient sauvés de l’école, nous n’étions pas dupes. Il fallait arrêter de se mentir. Ruben n’était pas exactement comme les autres enfants et nous voulions enfin avoir des réponses à nos questions.

Nous passions nos jours et nos nuits à chercher des pistes sur le Net. Et lorsqu’en mot- clé, j’inscrivais

« retard de langage », je tombais sur des blogs où des parents parlaient de leur enfant autiste.

L’autisme ne m’était pas totalement étranger parce qu’il y a des années, j’avais organisé avec mon association un débat sur le sujet, lors de la sortie du documentaire de Sandrine Bonnaire sur sa sœur, qui s’intitulait Elle s’appelle Sabine. Nous avions d’ailleurs établi des liens très forts ensemble depuis, parce que probablement nous avions traversé les mêmes bois sombres de l’enfance, elle avec sa sœur, moi avec mon frère. Et qu’il nous avait fallu du temps pour en sortir et nous reconstruire. Malgré tout, je ne voyais pas le rapport direct entre l’autisme et mon fils. J’avais, comme la plupart des gens, des clichés sur les autistes qui se partageaient entre la vision de Rain Man, surdoué bizarre mais génial, et enfant vivant dans sa bulle et se balançant toute la journée.

Mais plus je lisais, plus je me rendais compte que le monde de l’autisme était vaste, englobant toutes sortes de choses.

Il y avait six cent mille personnes autistes en France. Ce chiffre m’étonnait. Je n’en voyais jamais nulle part. Entre les parents, les frères et sœurs, cela faisait au moins trois millions de personnes concernées. Et pourtant peu de gens en parlaient. Ce n’était même pas une maladie orpheline, alors pourquoi n’y avait- il aucune émission comme le Téléthon afin de collecter des fonds pour la recherche sur l’autisme ?

L’autisme était décrit comme « un trouble envahissant du développement, un déficit de la communication orale ». Selon le niveau d’autisme, certains enfants parlaient, d’autres non. Ils avaient des difficultés à communiquer et présentaient des comportements répétitifs et stéréotypés.

Il y avait des ressemblances avec les troubles que présentait Ruben : absence de langage, problème

avec la propreté et le sommeil, scènes de frustration, jeux répétitifs avec un objet, fascination pour les pubs, fugues, peur intense face à certains bruits. Mais il y avait aussi quelques éléments qui me faisaient douter.

J’en parlais immédiatement à mon mari qui rejeta, une nouvelle fois, cette théorie d’un revers de la main, comme si j’avais prononcé un gros mot.

Ruben n’allait toujours pas à l’école. Nous avions trouvé un cours Montessori, mais il était loin de la maison et inabordable.

Alors nous cherchions des activités ; une amie nous avait conseillé un professeur de piano qui avait l’habitude de travailler avec des enfants différents. Je la trouvais humaine avec beaucoup d’empathie et vu tous les êtres froids que nous avions rencontrés ces derniers mois, cette leçon de piano du samedi était une respiration familiale.

Un jour, elle conseilla à mon mari un livre, Le Voyage d’Anton de Mariana Loupan. Lui, qui détestait lire, le dévora d’une traite. Il était bouleversé et voulait que je le lise. Devant son insistance, je jetais un coup d’œil sur la quatrième de couverture. Il était question d’un centre pour autistes à Jérusalem et du combat d’une maman pour son fils. Malgré le rejet de ce mot, de ce diagnostic, mon mari me rejoignait enfin, commençant lui aussi à avoir des doutes.

En lisant les premières pages, des choses résonnèrent en moi mais je posai le livre immédiatement. À ce moment- là, je n’étais pas prête à le lire. Je n’étais pas prête à faire face à la vérité.

Je voulais avancer pas à pas, ne pas me mettre de fausses idées dans la tête. Je voulais un diagnostic clair et sans équivoque, fait par un médecin. Il fallait que je mette enfin le mot juste sur le silence de mon fils afin de l’aider à avancer.

Comment pourrions- nous combattre ce mal sans connaître son nom ?

Ne sachant pas quoi faire d’autre, je reprenais rendez- vous avec le petit bonhomme froid à la voix monocorde.

Olivia Cattan D’un monde à l’autre Autisme : Le combat d’une mère
Max Milo éditions

Nombre de pages: 288 (existe en Epub – Prix 12,99 €)
ISBN: 978-2-31500-492-8
Ruben est le dernier d’une fratrie de trois enfants. À 4 ans, il ne parle pas, refuse de dormir, crie à certains bruits. Pourtant, l’ordinateur n’a pas de secrets pour lui. Le diagnostic tombe : il serait autiste. Commence alors le combat d’une mère pour que son fils vive normalement : formation aux méthodes éducatives à l’étranger, orthophonie, psychomotricité… Elle devient son auxiliaire de vie scolaire. Peu à peu, il sort de son mutisme, s’épanouit et devient un élève « presque » comme les autres.
Dans ce témoignage, Olivia Cattan dénonce la ségrégation silencieuse des enfants autistes en France. Elle raconte son militantisme et ses rencontres avec des politiques de premier plan. Son espoir est de changer le regard sur l’autisme.

 

2 commentaires

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    • Mona

    Une Maman-courage. .. Une merveilleuse Maman.
    Il faudrait aussi que l’on nous explique les causes de l’autisme afin de baisser le pourcentage qui, bizarrement, augmente d’année en année.

    • mottet

    Bonsoir et merci pour ce temoignage qui me redonne la force de continuer mon combat, qui malgré mon investissement a toute epreuve, ma detresse maternelle est restée lettre morte jusqu’à ce jour pour tout le monde.Bravo pour votre reussite.

Patrick Criqui, directeur de recherche au CNRS à propos des enjeux de la COP29 : « réduire les émissions de gaz à effet de serre est moins coûteux dans les pays du Sud que dans les pays du Nord »

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