On a tendance à croire que les dynamiques internes à la Chine l’empêchent de devenir un véritable chef de file dans le secteur, mais le pays semble chercher à accroître sa visibilité dans certains domaines comme le maintien de la paix et, éventuellement, le changement climatique.
« Le livre blanc porte essentiellement sur le développement, mais il ne promet rien en matière de démocratie, de liberté individuelle et de droits humains », a dit Xu Guoqi, professeur d’histoire à l’université de Hong Kong, qui écrit actuellement un livre intitulé The Idea of China (l’Idée de la Chine).
Selon lui, la réticence de la Chine à défendre ces idéaux sur son propre territoire compromet sa capacité à jouer un rôle moteur dans les affaires mondiales.
« Comment le gouvernement chinois peut-il renforcer son rôle dans l’humanitaire international s’il n’ose pas dénoncer les régimes non démocratiques qui sont largement responsables des crises humanitaires mondiales ? » a-t-il demandé.
Kerry Brown, directeur de l’institut Lau China au King’s College de Londres, estime lui aussi qu’il est « compliqué » pour la Chine de prendre la voie du multilatéralisme.
« La Chine veut sans aucun doute avoir un rôle plus important et plus dominant dans la région », a-t-il dit. « Mais elle ne veut pas se voir imposer d’énormes responsabilités à l’échelle mondiale. »
Cela va cependant dépendre grandement de la posture que prendra le gouvernement américain, a-t-il admis.
« La [position] du président Trump en ce qui concerne le changement climatique et un certain nombre d’autres domaines laisse en effet peu de choix à la Chine et la pousse à adopter un rôle plus actif dans les enjeux internationaux pour combler la place laissée par une Amérique plus isolationniste et tournée vers elle-même », a dit M. Brown.
Incompétence diplomatique
De nombreuses questions subsistent quant à ce que sera réellement la politique étrangère de M. Trump, mais ses premières interventions dans les affaires internationales en inquiétent plus d’un.
M. Trump a ainsi provoqué une levée de boucliers diplomatique en parlant au téléphone avec la présidente taïwanaise Tsai Ing-wen le 2 décembre dernier, ce qu’aucun président ou futur président américain n’avait fait depuis 1979. Cette année-là, les États-Unis avaient officiellement cessé de reconnaître Taïwan comme un gouvernement indépendant et avaient commencé à reconnaître le gouvernement chinois de Pékin, qui considère Taïwan comme une province félonne violant la politique d’unicité de la Chine qu’elle promeut énergiquement partout dans le monde.
La Chine a répondu par un avertissement sévère. Le lendemain de l’appel, le porte-parole des affaires étrangères Geng Shuang a dit aux journalistes : « Nous enjoignons aux parties concernées aux États-Unis de respecter l’engagement sur la politique de Chine unique. »
M. Trump a répliqué par des tweets accusant la Chine de mener une politique monétaire nuisible aux entreprises américaines et condamnant Pékin pour la construction d’une base militaire en mer de Chine méridionale, où une poignée de pays se disputent un même territoire.
Les déclarations de M. Trump concernant le changement climatique sont également source de préoccupations. En 2012, il a qualifié dans un tweet le réchauffement climatique de concept « créé par et pour les Chinois dans le but de rendre l’industrie américaine non compétitive ».
Lors de sa campagne, M. Trump a également laissé entendre qu’il retirerait les États-Unis de l’Accord de Paris sur le changement climatique, qui impose aux pays signataires de réduire drastiquement leur utilisation des énergies fossiles afin de limiter les effets du réchauffement climatique.
Dans son livre blanc, la Chine a quant à elle affirmé avoir fait « des efforts significatifs en faveur de l’adoption et de la mise en œuvre de l’Accord de Paris sur la limitation des émissions de gaz à effet de serre », selon l’agence de presse d’État Xinhua.
Souci du maintien de la paix
Le livre blanc comprend en outre une section sur le maintien de la paix, contribution humanitaire de la Chine la plus médiatisée. Pékin s’est engagé à continuer à fournir de plus en plus de troupes et de fonds à cet effet.
« Dans les cinq prochaines années, la Chine formera 2 000 soldats de maintien de la paix pour d’autres pays, lancera 10 programmes d’aide au dragage de mines, versera 100 millions de dollars d’aide militaire non remboursable à l’Union africaine et allouera une partie du fonds sino-onusien pour la paix et le développement au soutien des opérations de maintien de la paix des Nations Unies », a annoncé Xinhua.
Selon M. Brown, les opérations en faveur de la paix sont utiles pour la Chine à plusieurs égards.
« Participer aux missions de maintien de la paix donne au moins à la Chine une chance de faire ce qu’elle peut pour pacifier et stabiliser des régions dont un grand nombre est source d’échanges commerciaux ou lui fournit des ressources », a-t-il expliqué. « C’est également une manière relativement bonne et abordable pour la Chine de démontrer sa citoyenneté mondiale et de redorer son image internationale. »
Selon Yun Sun, spécialiste de la politique étrangère chinoise au centre Stimson de Washington, la Chine contribue au maintien de la paix pour se faire une place dans les rapports de force mondiaux.
« Les Nations Unies étant une structure multilatérale, la Chine considère cette instance comme étant la plus légitime et la plus à même d’agir sur l’unilatéralisme ou les interventions militaires occidentales », a-t-elle dit.
Rôle mineur
Maintien de la paix mis à part, la Chine n’a jusqu’à présent pas beaucoup participé à l’aide humanitaire.
D’après son livre blanc, la Chine a fourni 58 milliards de dollars d’aide internationale en soixante ans, soit moins que la contribution de l’Union européenne et de ses membres en 2015, si l’on en croit les calculs de Reuters.
Le livre blanc ne précise pas la destination exacte de ces 58 milliards de dollars, mais cette somme comprend sûrement des subventions et des prêts pour des projets de développement ainsi que toute l’aide allouée en réponse aux catastrophes humanitaires.
En fait, la Chine ne contribue que chichement à l’aide humanitaire en regard de sa position de pays le plus peuplé du monde et de deuxième puissance économique.
En juin, IRIN informait que la Chine n’avait contribué que de 54 millions de dollars à l’aide humanitaire en 2014, selon les analyses faites par Development Initiatives à partir de données provenant de sources comme l’Organisation de coopération et de développement économique, les Nations Unies et le Fonds monétaire international. Le service de surveillance financière des Nations Unies, qui enregistre les flux mondiaux d’aide humanitaire, révèle par ailleurs que la contribution de la Chine est tombée à seulement 37 millions de dollars en 2015.
Si le futur gouvernement américain réduit effectivement de manière significative son soutien humanitaire, cela laissera la place à la Chine d’y participer davantage. Mais, selon les experts, ce n’est plausible que si Pékin y voit un avantage concret.
« La Chine n’est pas un acteur purement altruiste. C’est un acteur intéressé », a averti M. Brown. « Mais elle a les ressources et les effectifs suffisants pour contribuer de manière considérable si elle le souhaite. »
Par Jared Ferrie, rédacteur pour l’Asie à l’IRIN
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