Fruit de trois années de tournages en Calabre, Un paese di calabria porte un autre regard sur la coopération et sur celles et ceux qui risquent leur vie en traversant la Méditerranée. Confronté à l’exode rural, le village de Riace en Italie a choisi d’accueillir les migrants en montant une association, Città Futura. Dans leur film documentaire “Un paese di calabria”, qui sort en salle le 8 février, les réalisatrices Shu Aiello et Catherine Catella montrent la revitalisation du village grâce aux habitants et aux migrants.
En 1998, un navire kurde s’est échoué près de Riace. Depuis, le village est une terre d’accueil pour migrants. Savez-vous combien s’y sont installés ?
Shu Aiello : II s’avère très difficile d’avoir des chiffres. Nous savons qu’il y a 200 migrants installés dans le village. Il faut comprendre que c’est un lieu de passage, les personnes qui arrivent s’engagent par un contrat à demeurer deux années à Riace. Les habitants ignorent eux-mêmes combien de migrants ils ont accueillis.
De quelle manière cet accueil, au travers de l’association Città Futura, s’est mis en place ?
Catherine Catella : Avant l’arrivée du premier navire avec les deux cents Kurdes, le village avait pour projet de restaurer les maisons abandonnées pour développer le tourisme éco-solidaire. Les maisons ont servi à accueillir ces Kurdes. Puis, une réflexion est née pour s’organiser. Ils ont alors retapé l’ensemble des maisons. L’association Città Futura a été créée par Domenico Lucano – il était alors conseiller municipal d’opposition – des habitants du village et des Kurdes, avec deux objectifs : le développement rural et l’accueil des migrants. Elle crée des ateliers en fonction des cultures : tissage, poterie, verrerie, une coopérative et des services de soin à la personne. Elle vise à favoriser l’autonomie financière.
Comment se passe leur arrivée ?
Catherine Catella : Moins de bateaux arrivent à Riace que par le passé, les migrants débarquent actuellement ailleurs en Italie, notamment à Lampedusa. Dans les camps de transit, les autorités et les associations leur proposent d’être envoyés dans différents endroits dont Riace. S’ils décident d’y aller, ils sont pris en charge par l’association Città Futura. Dès lors, ils s’engagent à respecter le projet, c’est-à-dire rester au moins deux années au village, recevoir des cours d’italien et prendre part aux activités de l’association avec les habitants du village.
C’est donc un contrat de confiance ?
Shu Aiello : Exactement. Même si les jeunes ont envie d’aller en ville, ils jouent le jeu et certains décident de rester. Par exemple, dans le film, nous montrons ce jeune migrant qui garde les moutons ou encore un autre devenu employé municipal. De ce fait, le village est connu. Le documentaire montre de jeunes Égyptiens qui connaissaient le village avant d’entamer la traversée et ont choisi d’y passer avant de partir vers les grandes villes comme Rome, Milan ou l’Angleterre.
Comment l’enseignante du village apprend l’italien aux migrants alors qu’ils ne partagent pas de langue commune ?
Catherine Catella : Elle est institutrice, mais elle n’est pas formée à l’enseignement de l’italien pour les allochtones. Elle a donc aménagé ses cours. C’est très basique, elle montre les choses et dit le nom en italien. Elle fait face à un public et des situations très diversifiée. Elle fait preuve d’empathie, de soin et d’écoute. Les gens qui passent par Riace en gardent un très bon souvenir et restent en contact avec elle.
Le film évoque la culture mafieuse de la région. De quoi s’agit-il ?
Shu Aiello : En Calabre, la mafia se compose de grandes familles de propriétaires fonciers. Ils ont fait venir des immigrés pour travailler dans les orangeries à moindre coût. Ils leur confisquent leurs papiers, c’est un système quasi-esclavagiste. Ces familles ont craint qu’une expérience comme Riace, qui donne des droits aux immigrés, remette en cause leur autorité et incite ces clandestins à se révolter. Le maire Domenico Lucano et la mairie subissent des pressions.
Est-ce qu’il a été difficile d’obtenir les témoignages des habitants et des migrants ?
Catherine Catella : Les personnes sont venues nous parler de leur libre choix pour témoigner. Mohammed, qui raconte sa traversée dans le film, a mis deux années pour nous parler.
Comment en êtes-vous venues à réaliser ce documentaire ?
Shu Aiello : Nous sommes toutes les deux filles et petites-filles d’émigrés italiens. Nous sommes préoccupées par le discours sur l’immigration et l’émigration. Le hasard a voulu que nous découvrions Riace grâce à l’émission radio de Daniel Mermet « Là-bas si j’y suis ». Le village était proche de celui dont ma famille est originaire.
Quel message voulez-vous faire passer ?
Catherine Catella : L’histoire même de l’humanité est lié aux voyages sans frontières, sans limites. Nous voulions défendre cette idée.
Shu Aiello : Nous sommes nous-mêmes issus des voyages, il serait bon que nous nous en souvenions aujourd’hui.
Propos recueillis par Benjamin Jarrossay et Julien Leprovost
Bande annonce du film :
5 commentaires
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Vincens
Lorsque l’être humain assume son humanité c’est beau, tellement beau.
Bozzi-Hobden Sylvie
Un autre monde est toujours possible et tellement plus agréable pour tout le monde.
Exemple à suivre ,faisons passer le message!
Benvenuti a Riace | Le blog geek et écolo
[…] Les 2 réalisatrices se sont rendues dans un village de Calabre atypique, qui sous l’impulsion de son maire, a décide de donner aux migrants une chance. Entretien. […]
BECKER Florence
Trop de bonheur, qui a rendu l’actuel gouvernement italien haineux. Vive la joie de ces peuples sur les terres europeennes.
Daniel BRIVET
Soutien sans faille au maire de Riace de la part d’un citoyen européen scandalisé par sa mise en cause par le pouvoir fasciste italien.
Votre action contribue à racheter la bassesse ordinaire qui parfois s’empare de l’humanité
Le mal ne progresse que lorsque les gens de bien baissent les bras!