Le Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) publie aujourd’hui son rapport spécial Océan, Cryosphère et Changement climatique. Alexandre Magnan, chercheur sur les questions de vulnérabilité et d’adaptation climatique a l’IDDRI (Institut du développement durable et des relations internationales), est un des auteurs de ce rapport qui aborde les implications de l’élévation du niveau de la mer sur les îles et les côtes de basse altitude. Dans cet entretien, Alexandre Magnan revient sur le contenu de ce dernier rapport spécial du Giec.
Quelles sont les grandes lignes du dernier rapport spécial du GIEC et qu’en retenir ?
Le changement climatique affecte profondément les dynamiques physiques et écologiques de l’océan. Ce qui a des conséquences sur les sociétés humaines qu’elles soient littorales ou non. Par exemple, les modifications du climat se répercutent sur les stocks de pèche.
Au niveau mondial, quelles seront les régions les plus concernées par la montée du niveau des eaux ?
En réalité les pays sont tous concernés à des échéances différentes. Bien, sûr, les littoraux bas sont les plus vulnérables à l’élévation du niveau de la mer. Or, ces régions attirent la population et vont accueillir plusieurs centaines de millions d’habitants dans les décennies à venir. Le rapport suggère ainsi qu’un pays, très densément peuplé, comme le Bangladesh, ou des zones comme le delta du Gange-Brahmapoutre, les grandes cités côtières ainsi que les iles basses et les atolls, vont être affectés en premiers, et le sont déjà.
Les États ont-ils les moyens d’y faire face ?
C’est un sujet difficile qui renvoie à des risques incertains et distants. Les conditions de la prise de décision technique, institutionnel et économique sont globalement là. D’ici deux à trois décennies, la période de plein impact du changement climatique démarrera. Ainsi, si les sociétés veulent être prêtes, une mobilisation forte et des changements immédiats sont impératifs. Cependant, une société ne se change pas en quelques années.
La montée du niveau des mers est souvent associée aux migrations, qu’en est-il réellement ?
La question des migrations est compliquée, hautement sensible, brulante et cruciale pour l’humanité dans son ensemble. Nous avons aujourd’hui énormément d’incertitudes sur l’impact du changement climatique sur les flux migratoires. En effet, les causes des migrations restent multifactorielles. Car, en plus des dégradations des conditions environnementales, la décision de partir peut être déclenchée par d’autres motifs comme le manque de ressources ou des chocs économiques. Aujourd’hui, on commence à réfléchir au statut potentiel des réfugiés climatiques.
La France face à la montée du niveau de l’océan
Quelles zones côtières françaises sont les plus vulnérables à la montée des eaux
Les zones les plus vulnérables sont les littoraux bas c’est-à-dire les côtes dont l’altitude est inférieure à 10 mètres par rapport au niveau moyen de la mer. En France, la côte Atlantique et la côte Méditerrané en particulier, sont très concernées.
Qu’en est-il des DOM-TOM ?
La grande majorité des outres mer français sont concernés par des littoraux bas. Ils abritent aussi une biodiversité importante menacée par les changements dans l’océan liés au réchauffement climatique. Ces menaces ont des répercussions sur la sécurité des populations humaines de ces régions.
Quelles vont être les conséquences sur l’aménagement du littoral en France ?
La mer monte, elle monte parfois vite mais elle ne monte pas partout au même rythme. Pour les aménagements côtiers, les menaces sont très claires avec des risques pour les populations et les infrastructures. Il y a plusieurs types de réponses possibles, par exemple, la construction de digues, la restauration d’écosystèmes … néanmoins tout cela relève de la stratégie de la protection. Mais, cela ne suffira sans doute pas, on réfléchit donc à une stratégie complémentaire : celle du recul.
Les populations et les pouvoir publics sont-ils suffisamment informés et prêts ?
Nous ne sommes jamais assez prêts et informés pourtant il va falloir l’être. Les littoraux bas et la montée de la mer impliquent des pertes d’espaces. En conséquence, une protection adaptée des villes côtières demande des sacrifices économiques alors que la richesse collective diminue. Cela va se traduire par des choix de sociétés difficiles qui impliquent des conflits. Depuis 30 ans, la conscience écologique des populations monte en puissance tandis que la mobilisation de la sphère politique progresse. Aujourd’hui, l’enjeu est d’accélérer cette prise de conscience.
Avez-vous un dernier mot ?
J’espère que ce rapport aura un impact auprès de la société civile et des décideurs politiques. L’océan représente 70 % de la surface de la planète et 90 % de son volume habitable pour la vie. Je souhaite que ce rapport entraîne une prise de conscience. La survie de l’humanité en dépend.
Propos recueillis par Isaure Vicarini
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Un commentaire
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grossmann
Mr Magnan évoque avec justesse les drames humains qui vont résulter de la montée des océans dans les zones insulaires les littoraux bas et les embouchures de fleuves
Pour tenter de minimiser ces drames, il convient de s’interroger sur les causes et les moyens d’y remédier.
Pour les causes le porte-parole des lutins thermique estime que l’on a raison de mettre en cause le réchauffement climatique actuel
pour expliquer la montée du niveau des océans. Cela si l’on prend en compte le coefficient d’expansion en volume de l’eau en fonction de sa température. Ce coefficient d’expansion, négligeable jusqu’à 5 degrés C augmente ensuite d’autant plus rapidement que la température augmente
Pour les moyens d’y remédier il lui semble évident que il y a bien sur les évolutions naturelles et très lentes du climat évoquées par Milutin Milankovic mais il y a aussi
celles résultant de l’action de l’homme qui sont en passe de prendre l’ascendant sur les causes naturelles si l’on continue à privilégier les mauvaises voies:
– celle du nucléaire qui réchauffe l’eau pour refroidir les réacteurs
– celle de la combustion des produits fossiles qui réchauffe notre environnement au lieu de le refroidir comme pourrait le faire à plus grande échelle le chauffage thermodynamique si l’on généralisait ce type de chauffage