Le président chilien a annoncé jeudi 30 octobre que son pays renonce à organiser la COP25 sur le climat prévu début décembre à Santiago. Quelles sont les implications sur les négociations climatiques de cette décision qui a surpris ? Début de réponse avec Lola Vallejo, directrice du programme climat de l’IDDRI (Institut du développement durable et des relations internationales).
Une COP climat annulée à quelques semaines de son lancement, est-ce une première ?
Même si le calendrier n’est pas toujours rigoureusement respecté, l’annulation d’une COP à la dernière minute, c’est inédit ! Il peut y avoir des retards dans les négociations qui se traduisent par des prolongations de COP ainsi que des séances de négociations complémentaires entre l’inter-COP qui a lieu en juin et la COP qui se déroule en fin d’année.
Qu’est-ce que cette annulation signifie ?
Annuler ne signifie pas qu’il n’y aura pas de COP. Le Chili renonce à l’organiser et à l’accueillir comme prévu en décembre. À l’heure actuelle, la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) essaye de trouver des solutions alternatives.
Annuler ne signifie pas qu’il n’y aura pas de COP. Le Chili renonce à l’organiser et à l’accueillir comme prévu en décembre.
Aujourd’hui, que peut-il se passer ?
Trouver une solution de repli pour maintenir les mêmes dates (du 2 au 13 décembre 2019) risque d’être compliqué étant donné le délai très court pour organiser un événement de cette ampleur. La ville hôte reçoit des dizaines de milliers de personnes du monde entier.
La COP peut être repoussée au début de l’année 2020. La question du lieu reste posée. Si elle a lieu à une date ultérieure, le Chili pourrait envisager de l’accueillir. Mais, cette hypothèse me semble peu probable. Sinon le Costa-Rica qui avait organisé la pré-COP pourrait héberger la COP bien que cela représente un défi logistique important. Ou encore, Bonn en Allemagne pourrait être une option. En effet, la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques y siège, la ville pourrait réunir les négociateurs. En 2017, pour la COP23, Bonn avait accueilli les négociations pour les Fidji qui étaient le pays organisateur.
Au Chili, est-ce que les conditions de sécurité ne sont pas réunies ?
Je ne me prononcerai pas là-dessus. Je fais confiance au président chilien. Je ne crois pas que ce soit principalement pour des raisons de sécurité, mais plutôt parce que le pays a d’autres priorités internes : résoudre une crise sociale profonde. Il y a peut-être une crainte pour l’image du pays.
Quelles conséquences pour les négociations sur le climat ?
La COP25 prépare la COP26 de l’an prochain au Royaume-Uni. Elle devait servir à prendre la température de l’engagement et de la volonté des États. La COP26 sera très importante sur le plan politique car les États devront y présenter leurs Contributions déterminées au niveau national (CDN) c’est-à-dire le relèvement de leurs engagements sur le climat à long terme.
La COP25 prépare la COP26 de l’an prochain au Royaume-Uni. Elle devait servir à prendre la température de l’engagement et de la volonté des États.
La COP chilienne était donc un point de passage important. Les négociations devaient avancer sur deux thématiques. D’abord, la fixation des règles de mise en œuvre des marchés carbone internationaux, créés par l’article 6 de l’Accord de Paris. C’est le seul chapitre pas conclu l’an passé lors de la COP24. Et, l’autre point est la révision du mécanisme sur les pertes et dommages. Elle est très attendue par les pays en développement car beaucoup espèrent que cela deviendra un nouveau mécanisme de financement international.
Est-ce que les engagements des États risquent de prendre du retard ?
Non. Les engagements des pays sur leur Contributions déterminées au niveau national (CDN) actuel ne sont pas liés à la tenue de cette COP. La prochaine grande échéance sur les CDN sera en 2020.
Est-ce que la décision du Chili de ne plus accueillir la COP25 est encore une fois le signal que les crises sociales locales passent avant la crise environnementale mondiale ?
La question se pose. Mais, le problème des inégalités sociales n’est pas propre au Chili. Les tensions sociales se généralisent dans le monde. Il ne s’agit pas d’une contestation de l’écologie. Il faut pourtant apporter une réponse convergente à la crise sociale et à la crise environnementale. Le ras-le-bol social exprimé ne s’oppose pas aux attentes des populations sur le plan de l’environnement. Les deux demandes montent. L’idée d’une transition verte qui se concilie avec la réduction des inégalités n’est pas nouvelle. L’année dernière à la COP24, ces questions de justice sociale ont beaucoup fait parler. Afin de parvenir à ce qu’on appelle la « transition juste », il faut accompagner ceux qui risquent d’être malmenés par la transition. Le mouvement des gilets jaunes a remis la question sur le devant de la scène en France fin 2018.
Propos recueillis par Julien Leprovost
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