Imaginez une association pour le commerce de produits biologiques que n’importe quelle entreprise peut intégrer et où les membres eux-mêmes décident des normes qui leur conviennent le mieux.
Imaginez une association pour le commerce de produits biologiques que n’importe quelle entreprise peut intégrer et où les membres eux-mêmes décident des normes qui leur conviennent le mieux. N’importe quel magasin ou entreprise peut ainsi apposer un label « bio » sur ses produits, d’autant qu’aucune règle ne définit clairement ce concept. Du moment qu’une entreprise essaye d’améliorer ses méthodes de production, même sans résultat, elle peut alors devenir membre de cette association et apposer le fameux label.
Imaginez également que cette association remette un prix à une étude qui prouve qu’en éliminant six pesticides sur les douze couramment utilisés pour cultiver la laitue, les récoltes restent tout aussi importantes. Les consommateurs qui désirent s’informer sur les aliments qu’ils achètent n’ont aucun moyen de savoir comment ceux-ci sont produits ou certifiés. Afin de certifier que leurs aliments sont biologiques, les membres de cette association ont recours à des sociétés privées qui privilégient le profit, plutôt qu’à des agences indépendantes. Chacune de ces sociétés privées applique des méthodes différentes et aucune ne précise comment elle définit ou détermine ce qui est bio. Mais au sein de cette association se trouve un petit groupe de producteurs pour qui « biologique » signifie « ne pas utiliser de pesticides ou d’engrais de synthèse ». Un groupe de producteurs « romantiques » et « idéalistes » aux yeux des multinationales alimentaires.
Cela vous semble ridicule ? Et pourtant ce type d’associations existe. Elles ne vendent pas d’aliments mais des investissements. Il s’agit des fonds communs d’investissement socialement responsable (ISR). Comme notre organisation imaginaire, ces fonds ne proposent aucune norme, aucune définition et aucune réglementation si ce n’est financière. Tout le monde peut y accéder, tout le monde peut définir ses fonds comme « socialement responsables ». Plus de 90 % des 500 plus grosses entreprises américaines possèdent un portefeuille de fonds communs de placement.
Des millions de personnes et des milliers d’institutions souhaitent que leurs investissements reflètent leur engagement social. Et cette attitude se confirme : la méfiance du grand public envers les entreprises s’est accrue depuis quelques années. La dégradation de l’environnement, les scandales impliquant les entreprises, les révélations concernant des méthodes illégales (comme l’esclavage d’enfants pour la production de chocolat) ainsi que le problème généralisé des travailleurs pauvres ont incité la population, quel que soit le milieu, à investir de façon réfléchie. Les investisseurs ont placé des milliards de dollars dans les fonds et les institutions d’ISR. Ces fonds garantissent que l’argent des investisseurs ne se retrouvera pas dans les poches d’une entreprise ayant des pratiques et des produits – actuels ou passés – douteux, et récompensent au contraire les entreprises qui œuvrent pour une responsabilité environnementale, une bonne gouvernance et pour la justice sociale.
Un rapport traite des entreprises de gestion financières proposant des fonds communs de placement qui établissent leurs portefeuilles en fonction de critères non financiers. On parle alors de la communauté socialement responsable ou d’investissement éthique. Le rapport examine les pratiques actuelles, révèle comment sont alloués les ISR, montre comment les entreprises trompent les investisseurs et recommande des réformes du secteur, afin de mieux répondre aux investisseurs qui souhaitent placer leur argent avec une conscience sociale et dans un but précis.
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Manque de transparence et de responsabilité dans la sélection de portefeuille
À l’origine, le secteur de l’ISR était un moyen de communiquer des valeurs plus élevées que la simple rentabilité financière. Avec les problèmes environnementaux et l’Apartheid en Afrique du Sud, les investisseurs ont pu tenir les entreprises responsables de leurs pratiques sociales et environnementales. Le monde des fonds communs d’ISR exerce une influence indiscutée, complètement disproportionnée à sa place sur le marché. La fidélité et la réputation d’une marque sont essentielles pour les entreprises et représentent le plus précieux de leurs actifs, tangibles ou non.
Dans ce contexte, on compte aujourd’hui près de 600 fonds communs à travers le monde, qui se considèrent comme socialement responsables ou qui font croire à leurs éventuels investisseurs que leurs placements ont une plus grande valeur morale qu’un investissement traditionnel.
Le problème est que les investisseurs n’ont pas accès aux méthodes, sélections et critères de classement, ni à aucune information qui leur permettrait de savoir comment ou pourquoi une entreprise en particulier fait partie de leur portefeuille. En d’autres termes, il n’existe aucune transparence ni responsabilité, que ce soit dans les prospectus des fonds ou sur leurs sites Internet. Le Calvert Funds, parmi d’autre, possédait des parts d’Enron avant la faillite de celle-ci. Mais les investisseurs n’ont aucune possibilité de découvrir comment se font ces choix. On peut légitimement penser que des professionnels financiers, qui n’ont que faire de la responsabilité d’entreprise, dirigent certains fonds communs d’ISR. Lorsque des clients demandent des fonds sociaux, certains dirigeants n’hésitent pas à en créer un, à externaliser la sélection et remplir le portefeuille avec les entreprises sélectionnées par ces filtres libéraux. De la responsabilité sociale instantanée, en somme.
Il est pratiquement impossible pour les investisseurs de comparer les différends fonds du marché
Sans un processus transparent et harmonisé de sélection et d’évaluation des entreprises, le consommateur ne peut pas comparer les aspects sociaux et environnementaux d’un fonds par rapport à un autre, si ce n’est grâce à leur réputation et à sa propre attention. L’examen effectué par certains fonds communs d’ISR doit à présent être effectué au secteur des fonds ISR lui-même. La base de données du Natural Capital Institute (ONG non lucrative fondée par l’auteur) sur les fonds communs d’ISR est la toute première banque d’information capable d’étudier le monde de l’ISR et de comparer facilement des portefeuilles. Mais le NCI n’est pas en mesure de comparer les méthodes et les critères de sélection de ces fonds, car ces informations ne sont pas disponibles ; ni pour nous, ni pour personne.
Socially responsible investing
Paul HAWKEN
Publié par le Natural Capital Institute, octobre 2004, pp 3-4-5.
http://www.responsibleinvesting.org/database/dokuman/SRI%20Report%2010-04_word.pdf
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