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Pourquoi les scientifiques doivent être les nouveaux climato-sceptiques

Sale temps pour les climatologues. Ils ont passé plus de dix ans à lutter contre la propagande de l’industrie du pétrole selon laquelle il n’y avait pas de réchauffement climatique. Grâce à des arguments mesurés et solides, ils ont mis fin à la désinformation. Pourtant aujourd’hui, tous les anciens doutes sur la validité de la climatologie réapparaissent. Comme un chercheur me l’a déclaré : « Des arguments morts depuis longtemps ont été déterrés et errent comme des zombies. »

Ces problèmes ont une origine bien fondée : la fuite des courriels de l’université d’East Anglia (UEA) à Norwich, en Grande-Bretagne, suivie de l’aveu du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, qui a reconnu que les informations qu’il avait publiées sur la fonte des glaciers de l’Himalaya étaient exagérées.

Pourtant, ce n’est pas toute l’histoire. Oui, les scientifiques de l’UEA et du GIEC ont fait des erreurs, mais rien dans ces deux affaires ne rend les informations scientifiques selon lesquelles l’homme est à l’origine du réchauffement climatique moins crédibles. Alors pourquoi cette nouvelle vague de scepticisme est-elle si véhémente?

Selon moi, ce sont les conséquences d’une bataille vieille de dix ans contre les sceptiques. Les climatologues sont sur le pied de guerre depuis si longtemps qu’ils ne sont plus ouverts aux critiques comme ils devraient l’être. Prenez les réactions de l’UEA et du GIEC à ces affaires : les deux organisations ont souligné au départ qu’elles n’avaient rien à déclarer et n’ont réagi qu’après l’emballement médiatique.

La presse ne devrait pas avoir à forcer les scientifiques à faire preuve de transparence, d’autocritique et d’autocorrection; il s’agit d’attributs essentiels à la science. Sans eux, les gens n’ont plus confiance.

En qui avez-vous confiance ?

Cette perte de confiance se reflète dans la couverture médiatique de cette question. Les rédacteurs en chef semblent soudain vouloir publier des articles sur les failles de la climatologie, même si elles sont sans importance. Et ce pour une bonne raison : que ce soit vrai ou non, les gens ont l’impression que les chercheurs sur le climat ne sont pas honnêtes.

Ironie de la chose, le fait que les scientifiques soient parvenus à contrer la désinformation des sceptiques aggrave la situation. Les politiques, les entreprises et les chefs religieux sont désormais tous d’accord pour reconnaître le changement climatique. Ce consensus peut ressembler à une conspiration, ce qui donne un argument facile aux opposants de la climatologie. Les groupes politiques racistes font pareil avec l’immigration : voilà ce que les autorités vous cachent, disent-ils. Il s’agit d’un message puissant, notamment quand les autorités nous disent qu’il faut changer de modes de vie pour lutter contre le changement climatique.

Ce consensus peut sembler encore plus suspect quand des objections triviales à la climatologie provoquent des réactions agressives. En novembre dernier, la journaliste et architecte Amanda Baillieu a publié un article dans la revue Building Design dans lequel elle remettait en cause le fait que l’industrie du bâtiment doive soutenir la baisse des émissions de CO². Cet article insipide a déclenché une avalanche de critiques, dont certaines virulentes. Cette réaction était inutile et a finalement été à l’encontre de la cause défendue par les détracteurs d’A. Baillieu. Maintenant cette dernière se présente comme une âme courageuse, qui a osé s’élever contre l’orthodoxie de la climatologie – même si elle n’a apporté aucun élément remettant en cause le réchauffement climatique.

Le vrai scepticisme

La science doit se défendre, mais pas uniquement en s’en prenant aux personnes qui la critiquent. Les scientifiques doivent se targuer d’être « sceptiques ». Ils doivent montrer que si les fondements du réchauffement climatique sont avérés, ce domaine en lui-même est en constante évolution et doit faire l’objet de débat et de révision, tout comme la science dans son ensemble. Ils doivent souligner auprès du grand public que si certains éléments scientifiques sont ouverts au débat, cela n’enlève rien à la nécessité d’agir.

Sans une attitude plus ouverte, le risque est grand de voir l’opinion publique douter de plus en plus de la climatologie. Et quand les gens ont le sentiment d’avoir été floués, il faut parfois des années à un domaine pour retrouver sa crédibilité. C’est ce qui s’est passé en Grande-Bretagne avec les cultures génétiquement modifiées et les centrales nucléaires. Dans le cas du climat, nous ne pouvons pas nous permettre de nouvelles années de méfiance.

Why scientists must be the new climate sceptics

par Jim Giles

© New Scientist- 2010

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