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Grenelle : Peut mieux faire…

Qu’attendions-nous du Grenelle de l’Environnement, nous ONG, il y a 3 ans lorsque nous l’avons soufflé à l’oreille du Président ? La révolution écologique, pardi ! C’est-à-dire des mesures de rupture permettant l’émergence d’un nouveau paradigme économique prônant la fin d’un productivisme acharné et du dogme de la croissance et de la consommation de biens matériels infinie ; des nouveaux modes de décisions intégrant la dimension environnementale de manière transversale et prioritaire; et un renforcement de la concertation entre les acteurs vers une gouvernance éclairée s’appuyant sur une expertise croisée en lieu et place du pouvoir des lobbies industriels et des chasses gardées présidentielles.

Finalement, 3 ans pour faire la révolution écologique, ça n’est pas si long. Mais le compte y est-il ?

Bien sûr, le Grenelle a permis des avancées. Le bonus malus automobile a permis, en 2008, de réduire de 9g CO2/km et de porter à 140 gCO2/km la moyenne des émissions de gaz à effet de serre des ventes automobiles en France. L’adoption d’objectifs ambitieux dans le domaine de l’habitat notamment pour les constructions neuves, le lancement de l’écoPTZ pour inciter à la rénovation thermique et l’introduction de modifications dans le domaine de l’urbanisme sont des avancées substantielles. Mais ces mesures, particulièrement dans l’habitat étaient consensuelles : les professionnels du bâtiment étaient prêts. Il suffisait de mettre tout le monde autour d’une table pour constater que chacun avait à y gagner.

Ces avancées du Grenelle nous permettront peut-être de rattraper notre retard. Pas de changer de paradigme économique, ce qui aurait dû être l’objectif fondateur du lancement du Grenelle de l’environnement. Pourquoi ?

Parce que le nucléaire n’a pas été mis au débat et si on parle de prospective énergétique pour la France, ça pose quand même un problème.

Et parce qu’aucune mesure structurante n’a été adoptée :

La contribution climat-énergie a été annulée alors qu’elle constituait notre unique assurance vie envers le changement climatique et un garde-fou contre une facture énergétique toujours plus salée qui va mener des centaines de milliers de ménages vers une précarité énergétique. Il ne faut pas oublier qu’entre avril et août 2008, juste avant la crise économique, le prix des carburants à la pompe a pris 40 cts d’€, à comparer aux 4 cts d’€ supplémentaires si la taxe carbone avait été mise en place… Bref, 40 cts d’€ qui sont allés gonfler les bénéfices de Total, BP et des pays exportateurs de pétrole, quand la taxe carbone aurait pu préparer l’économie et la société à un monde sans pétrole, favoriser le déploiement des énergies renouvelables… La contribution climat-énergie était la manière la plus sûre de réduire notre vulnérabilité aux importations d’énergies fossiles.

L’éco-redevance poids-lourds visant à opérer un rééquilibrage du transport routier de marchandises vers des modes plus respectueux de l’environnement après de nombreux adoucissements est reportée à… après les élections présidentielles de 2012. Autant dire aux calendes grecques !

Depuis le début du Grenelle de nombreux projets autoroutiers et contournements de villes ont été décidés, sacrifiant de nouvelles entailles paysagères, renforçant la dépendance automobile quand l’objectif énoncé du Grenelle était clairement d’inverser la tendance…

Le discours de Nicolas Sarkozy à la fin des tables rondes du Grenelle résonne encore à mes oreilles :

« Premier principe : tous les grands projets publics, toutes les décisions publiques seront désormais arbitrées en intégrant leur coût pour le climat, leur « coût en carbone ». Toutes les décisions publiques seront arbitrées en intégrant leur coût pour la biodiversité. Très clairement, un projet dont le coût environnemental est trop lourd sera refusé.

Deuxième principe, nous allons renverser la charge de la preuve. Ce ne sera plus aux solutions écologiques de prouver leur intérêt. Ce sera aux projets non écologiques de prouver qu’il n’était pas possible de faire autrement. Les décisions dites non écologiques devront être motivées et justifiées comme ultime et dernier recours. C’est une révolution dans la méthode de gouvernance de notre pays totale et nous allons appliquer immédiatement ce principe à la politique des transports. Le Grenelle propose une rupture et bien, je propose de la faire mienne. La priorité ne sera plus au rattrapage routier mais au rattrapage des autres modes de transports ». (Extrait du discours de Nicolas Sarkozy à l’Elysée, à l’occasion de la restitution des conclusions du Grenelle de l’Environnement – 25/10/ 2007)

Ces principes n’ont tout simplement pas été retranscrits dans les lois Grenelle.

Au contraire, depuis 2006, la part du transport non routier de marchandises censée augmenter de 25% en 2012 par rapport à 2006, a diminué.

Bien sûr, la révolution écologique n’est pas simple ! Réformer les modes de décisions publiques demande persévérance, courage et persuasion car certaines décisions ne sont pas populaires. Remettre en cause le productivisme à tout-va nécessite de faire front face aux lobbies… Il faut savoir sacrifier le court-termisme du calendrier électoral et garder le cap, même pendant la tempête.

Les beaux discours sur la croissance et les emplois verts, ça ne tient qu’un temps. Un temps qui n’aura pas résisté à la crise financière, économique, agricole et… aux élections régionales.

Seuls 2,4% du montant du plan de relance voté en 2009 comportaient une conditionnalité environnementale.

La recapitalisation des banques pour sauver un système bancaire pourri s’est trouvé en quelques semaines créditée de 360 milliards d’euros quand nous attendrons longtemps les 33 milliards d’euros annuels d’investissements sur 12 ans nécessaires à la mise en œuvre du Grenelle pour tracer la voie d’une croissance durable et créatrice d’emplois : depuis la crise grecque, on nous promet rigueur et réduction des déficits. A l’heure où nous appelons à un Green Deal écologique, les masques tombent…

A qui la faute ?

Aux lobbies industriels qui hurlent à la double peine lorsqu’on les menace d’être soumis à la taxe carbone alors qu’ils sont déjà soumis au système de PEN (Permis d’émission négociable) ; Arcelor Mital et Lafarge ont empoché respectivement 1400 et 336 millions d’euros grâce à des allocations de quotas gratuits en excès par rapport à ce que leurs activités de production aurait nécessité ;

A certains parlementaires qui ont du mal à sortir des Trente Glorieuses, d’une vision axée sur la technologie (nucléaire) salvatrice et pour lesquels le reformatage du disque dur semble hors de portée…

Et à une classe politique –dans la majorité comme dans l’opposition- qui continue à opposer environnement et social, et pour laquelle le productivisme est le seul gage de croissance.

Alors, bien sûr, ce n’est pas pour autant qu’il faut jeter le Grenelle avec l’eau du bain !

La méthode de concertation à cinq collèges (syndicats, patronat, ONG, Etat, collectivités) a permis d’initier un vrai dialogue, permettant d’ouvrir la négociation. Même s’il est moins actif qu’au moment du Grenelle, ce dialogue continue. Et doit continuer.

Et les dossiers environnementaux ont acquis un stade irréversible de légitimité. Les Allègre et Courtillot pourront s’escrimer tant et plus, ils n’arriveront pas à inverser la tendance. La prise de conscience à tous les niveaux est sans précédent.

Maintenant que la loi Grenelle est votée, nous n’avons plus rien à attendre au niveau national avant la prochaine mandature. Les marges de manœuvre se sont refermées avec le vote de la loi Grenelle II à l’Assemblée Nationale. Il faut maintenant que l’élan du Grenelle se décline dans les territoires et permette l’émergence de plans énergies-climat novateurs et ambitieux.

Peut mieux faire…

par Sandrine Mathy, Présidente du Réseau Action Climat-France

Texte – courtoisie de l’auteur.

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