Sans intervention rapide, les engagements actuels des gouvernements entraîneront une augmentation des températures de 3 à 5°C au cours du XXIe siècle , L’écart en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre se creuse alors que les Nations Unies se préparent à des négociations de premier plan sur le climat à Doha.
Les efforts sur le changement climatique doivent être intensifiés et accélérés au plus vite si le monde souhaite avoir la possibilité de limiter la hausse de la température moyenne de la planète à 2°C au cours du XXIe siècle.
Le Rapport sur l’écart entre les besoins et les perspectives en matière de réduction d’émissions, coordonné par le Programme des Nations Unis pour l’environnement (PNUE) et la Fondation européenne pour le climat, qui sera publié à quelques jours de la Conférence des Parties sur les changements climatiques à Doha (Qatar), montre que le niveau des émissions de gaz à effet de serre est actuellement supérieur de 10 % à l’objectif prévu pour 2020.
Au lieu de diminuer, la concentration des gaz à effet de serre comme le dioxyde de carbone (CO2) augmente dans l’atmosphère : depuis 2000, elle a augmenté de près de 20 %.
Si les nations ne prennent aucune mesure rapidement, les émissions devraient atteindre 58 gigatonnes (Gt) d’ici huit ans, d’après le rapport auquel ont contribué 55 scientifiques de plus de 20 pays.
Cela entraînera un écart encore plus important que celui prévu par les évaluations de 2010 et de 2011 du PNUE, suite aux prévisions de croissance économique dans les principales économies en développement et à un phénomène appelé le « double décompte » de la compensation des émissions.
Les précédents rapports d’évaluation ont déterminé qu’en moyenne, les émissions ne doivent pas dépasser 44 Gt en 2020 afin de parvenir, à un coût réaliste, aux réductions encore plus importantes dont le monde a besoin.
L’édition 2012 du Rapport sur l’écart entre les besoins et les perspectives en matière de réduction d’émissions indique que même si tous les pays respectaient les engagements les plus ambitieux (conformément aux normes les plus strictes), l’écart serait de 8 Gt d’équivalent CO2 d’ici à 2020.
C’est 2 Gt de plus que ce que prévoyait l’évaluation de l’année dernière, alors qu’une autre année s’est écoulée.
Les évaluations économiques préliminaires mises en évidence dans le nouveau rapport estiment que l’inaction engendrera des coûts susceptibles d’être 10 à 15 % supérieurs après 2020 si les réductions d’émissions nécessaires sont repoussées aux décennies suivantes.
Selon Achim Steiner, Sous-secrétaire général des Nations Unies et directeur exécutif du PNUE : « Deux réalités s’entrechoquent dans ce rapport : combler l’écart en termes de réduction d’émissions reste réaliste grâce aux technologies et aux politiques actuelles, tandis que de nombreuses initiatives stimulantes sont mises en oeuvre au niveau national en termes d’efficacité énergétique des bâtiments, d’investissements dans les forêts pour éviter les émissions liées à la déforestation ou de normes d’émission concernant les véhicules neufs. Par ailleurs, on observe une augmentation considérable des investissements en faveur des nouvelles énergies renouvelables à l’échelle mondiale, qui s’élevaient à près de 260 milliards de dollars US en 2011.
Il n’en reste pas moins que la transition vers une économie verte, profitable à tous et à faibles émissions de carbone, est bien trop lente et que les chances d’atteindre l’objectif de 44 Gt diminuent d’année en année.
Alors que les gouvernements tentent de négocier un nouvel accord international sur le climat qui entrerait en vigueur en 2020, ils doivent agir de toute urgence en honorant les engagements financiers, de transfert de technologie et autres engagements pris dans le cadre des traités de la Convention des Nations Unies sur le climat. Il existe également un vaste éventail de mesures volontaires complémentaires susceptibles de combler dès maintenant l’écart entre ambitions et réalité ».
Le rapport estime que le fort potentiel de réduction des émissions (17 Gt d’équivalent CO2 en moyenne) dans des secteurs comme le bâtiment, la production d’énergie et le transport, pourrait permettre de largement combler cet écart d’ici à 2020.
En parallèle, de nombreux exemples d’initiatives nationales, allant de l’amélioration des codes du bâtiment aux normes sur les carburants, peuvent contribuer à l’effort international, à condition qu’elles soient intensifiées et généralisées.
Selon Christiana Figueres, Secrétaire exécutive de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) : « Ce rapport nous rappelle que le temps nous fait défaut, mais que les gouvernements et les sociétés disposent toujours des moyens techniques et des outils politiques pour limiter la hausse mondiale des températures à 2°C.
Les gouvernements qui se réunissent à Doha pour la CdP18 doivent de toute urgence appliquer les décisions existantes afin d’opérer une transition plus rapide vers un monde résistant à faibles émissions de carbone. Cela signifie notamment : amender le Protocole de Kyoto, apporter une vision claire de la façon dont il convient de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le monde à l’horizon 2020 et, par la suite, consolider le dispositif institutionnel pour aider les pays en développement à rendre leurs économies plus vertes et à s’adapter, tout en définissant les stratégies de mobilisation des financements à long terme liés au climat dont ont besoin les pays en développement. Par ailleurs, les gouvernement doivent rapidement déterminer comment revoir leurs ambitions à la hausse ».
Combler l’écart
Le rapport s’intéresse aux secteurs susceptibles d’atteindre leurs objectifs de réduction des émissions d’ici à 2020.
Un meilleur rendement énergétique pourrait entraîner une réduction des émissions de l’ordre de 1,5 à 4,6 Gt d’équivalent CO2 dans l’industrie ; de 1,1 à 4,3 Gt dans l’agriculture ; de 1,3 à 4,2 Gt dans la sylviculture ; de 2,2 à 3,9 Gt dans le secteur de l’énergie ; de 1,4 à 2,9 Gt dans le bâtiment ; de 1,7 à 2,5 Gt dans les transports, dont le fret et l’aviation ; et d’environ 0,8 Gt dans le secteur des déchets.
Bâtiment
Le rapport souligne que certains secteurs ont un potentiel encore plus prometteur à long terme : par exemple, une amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments pourrait entraîner des réductions de 2,1 Gt en moyenne d’ici à 2020, et de plus de 9 Gt d’équivalent CO2 d’ici à 2050.
Selon ce rapport, « cela implique que d’ici à 2050, le secteur du bâtiment aura baissé sa consommation d’énergie de 30 % par rapport à 2005, malgré une augmentation prévue d’environ 130 % de la superficie bâtie sur cette période ».
Le rapport conclut que pour y parvenir, « les codes du bâtiment à la fine pointe de la technologie doivent devenir obligatoires au cours des dix prochaines années dans toutes les grandes économies du monde, comme les États-Unis, l’Inde, la Chine et l’Union européenne ».
Les émissions peuvent être diminuées davantage grâce aux appareils plus économes en énergie, y compris les systèmes d’éclairage – le rapport cite le programme « Top Runner » au Japon et la Directive Écoconception de l’Union européenne qui ont permis de réduire la consommation d’énergie des ménages de 11 % et 16 % respectivement.
Le rapport mentionne également le programme de normes et d’étiquetage mis en place par le Ghana pour les climatiseurs, qui vise à faire économiser aux particuliers et aux entreprises environ 64 millions de dollars US par an sur leur facture d’électricité, ainsi que 2,8 millions de tonnes d’équivalent CO2 sur 30 ans.
Transports durables
Le potentiel de réduction des émissions dans le secteur des transports s’élèverait à 2 Gt d’équivalent CO2 d’ici à 2020.
Le rapport signale déjà une évolution : lors du récent sommet Rio+20, les huit plus grandes banques multilatérales de développement se sont engagées à investir 175 milliards de dollars US au cours de la prochaine décennie dans des mesures comme les systèmes de transport rapide par autobus.
Le rapport préconise les politiques et les mesures de type « Éviter, remplacer et améliorer » qui contribuent à un meilleur aménagement du territoire et encouragent les modes de déplacement de substitution comme le bus, le vélo ou la marche au détriment des véhicules privés, ainsi qu’une utilisation optimisée du fret ferroviaire et des voies navigables.
L’établissement de normes plus strictes en matière de véhicules et la mise en place de programmes de mise à la casse des vieux véhicules peuvent également être bénéfiques. Le rapport indique que d’ici à 2050, les nouvelles normes (approuvées et en cours d’approbation) de sept pays dont l’Australie, la Chine, la République de Corée, les États-Unis et des pays de l’Union européenne, devraient permettre de réduire de plus de moitié la consommation de carburant et les émissions de gaz à effet de serre des véhicules légers neufs par rapport au niveau de 2000.
Sylviculture
« Bien qu’elle reste sous-exploitée, la lutte contre la déforestation reste une solution peu coûteuse pour réduire les émissions de gaz à effet de serre », précise le rapport.
Les politiques d’aide à la réduction de la déforestation, et donc des émissions de gaz à effet de serre, vont de la création de zones protégées (sur le modèle des parcs nationaux) à l’élaboration d’instruments économiques (tels que des taxes, des subventions et des systèmes de paiement pour les services écosystémiques).
Le rapport cite le Brésil, où de nombreuses politiques de conservation alliées à une chute du prix des matières premières agricoles ont entraîné une diminution de la déforestation de trois quarts depuis 2004, évitant ainsi l’émission de 2,8 Gt d’équivalent CO2 entre 2006 et 2011.
Au Costa Rica, les zones protégées représentent désormais plus d’un cinquième du territoire, ce qui a permis de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de faire passer le nombre de touristes de moins de 390 000 en 1988 à 2,5 millions en 2008 : le tourisme représente désormais environ 15 % du PIB.
Ces mesures entreprises par le Brésil et le Costa Rica précèdent les mécanismes de réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts (REDD ou REDD+) de la Convention des Nations Unies sur les changements climatiques.
Le rapport indique qu’une multiplication des initiatives, par exemple dans le cadre du programme ONU-REDD qui implique plus de 40 pays, permettrait de réduire encore davantage les émissions, tout en présentant d’autres avantages comme la création d’emplois dans le domaine de la gestion des ressources naturelles.
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