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Carnet de projet – L’importance de l’humain dans les projets de conservation


Pa Maxi Lahading, pêcheur de Bahoi et ambassadeur du projet « Time for the planet » © Fondation Goodplanet

Cédric Javanaud, responsable du programme Océan ainsi qu’Anouck Le Crann, responsable du programme Action Carbone Solidaire sont partis en mission en Indonésie afin de faire un suivi des projets « Time for the planet » du programme océan. Ils nous racontent leur voyage à travers un « carnet de projet » :

« Nous sommes actuellement en Indonésie pour l’évaluation des projets « Time for the planet ». Rendus possibles grâce au soutien d’Omega, ils sont dédiés à la restauration du littoral et des ressources marines indispensables aux communautés locales pour qui la mer est une source de nourriture et de revenu. Cette semaine, nous étions à l’extrême nord de l’île de Sulawesi (Célèbes), une des iles principales du pays, et plus précisément dans la région de Manado. C’est là que prend place le projet porté par les ONG indonésiennes YAPEKA et CELEBIO.

L’objectif est ici de créer 6 aires marines protégées gérées par et aux bénéfices exclusif des communautés. Bien sûr l’intérêt environnemental est très fort puisque 45% des coraux de la région, pour ne citer qu’eux, présentent des signes de dégradation. Cela est dû principalement aux pratiques de pêches destructrices encore pratiquées dans la région mais aussi à un tourisme qui commence à se développer. L’importance de préserver le littoral est d’autant plus vraie que la présence de corail dépend aussi de la bonne santé des mangroves et des herbiers. Ces trois écosystèmes sont des nids de biodiversité indispensables au bon fonctionnement écologique de la zone.

Herbiers marins de l’aire marine protégée de Bahoi abritant des juvéniles de poissons © Yapeka
Herbiers marins de l’aire marine protégée de Bahoi abritant des juvéniles de poissons © Yapeka

Vous comprenez certainement l’intérêt écologique de créer des aires marines protégées mais ce voyage nous à aussi permis de confirmer les fortes attentes des communautés locales vis-à-vis d’un tel projet. Tous nous ont parlé de l’envie d’avoir une « Bank Ikan », en français une « banque de poisson ». En effet, et peut être étonnamment, créer des aires marines protégées où la pêche est interdite ne se fait pas (et ne doit pas se faire) au détriment des pêcheurs locaux. Les poissons deviennent abondants dans la partie strictement protégée et débordent pour alimenter les pêcheries locales. Protéger est donc aussi d’une importance économique considérable.

Durant notre premier jour de visite sur le terrain nous nous sommes rendus à Bahoi, le village pilote du projet dans lequel l’aire marine protégée à atteint son rythme de croisière et produit les premiers résultats. Dans ce village de 1 000 habitants, ils sont plus de 80% à vivre de la mer. Il s’y pratique une petite pêche traditionnelle côtière tandis que seulement 2 bateaux leurs permettent de s’aventurer plusieurs jours au large. Par conséquent, les pêcheurs du village sont évidemment très enthousiastes à l’idée de garantir une partie de la pérennité de leurs ressources.

La création d’une aire marine protégée est aussi l’opportunité de créer de nouvelles sources de revenus pour le village. Une aire marine ne produit pas de bénéfices économiques de manière immédiate et il est donc très important d’accompagner les communautés dans la recherche de nouvelles sources de revenus.

A Bahoi, la communauté souhaite développer des activités éco-touristique en lien avec l’aire marine protégée. En effet, la diversité des poissons coralliens permettra d’attirer des plongeurs de passage dans la région et le village pourrait bénéficier de ces visites.

Le projet est aujourd’hui pleinement porté par la communauté du village qui s’est petit à petit structurée en plusieurs groupes de travail : celui dédié à la gestion de l’aire marine protégée, celui dédié au développement de l’écotourisme, et celui dédié à la promotion de l’artisanat. Lors de notre premier passage à Bahoi, il y a deux ans, seule une ou deux maisons d’hôtes existaient. Aujourd’hui elles sont près d’une dizaine (capacité maximale de 20 touristes) réparties dans le village et peuvent accueillir des touristes indonésiens et étrangers baroudeurs. Le développement très raisonnable de l’écotourisme semble apparaitre comme le bon choix pour la communauté même si il n’en est qu’à son balbutiement. Cependant le village est aujourd’hui dans une étape importante du projet puisque c’est celle qui consiste à convertir leurs efforts en bénéfices ! Les ONG locales continuent notamment de les accompagner, au travers de réunions comme celle à laquelle nous avons eu la chance de participer, pour créer un plan de développement pour le village. Un travail est actuellement en cours afin de s’assurer de la bonne gestion des bénéfices et de leur partage équitable à tous les membres de la communauté.

Préparation des filets avant le départ en mer d’un des plus gros bateaux de la communauté de Bahoi © Fondation GoodPlanet
Préparation des filets avant le départ en mer d’un des plus gros bateaux de la communauté de Bahoi © Fondation GoodPlanet

Ce modèle choisi par Bahoi ne peut pas forcément être transposé tel quel dans les autres villages. Nous avons eu l’occasion durant ce voyage de visiter Talise et Lihunu où les aires marines protégées sont en cours de création et Tambun où le processus commence à peine.

En discutant avec les membres de ces communautés, nous avons pu confirmer la nécessité de tenir compte des spécificités de chaque village. Tous souhaitent avoir leur propre aire marine protégée mais les moyens d’y parvenir se doivent d’être adaptés. Par exemple Bahoi vit très largement des ressources marines alors qu’à Lihunu et Tambun les activités sont partagées entre pêche et agriculture. A Talise, une part importante des habitants part chaque jour travailler à l’extérieur du village et ne tire pas aujourd’hui de bénéfices de la mer. Cela peut faire de grosses différences quant au ressenti des communautés vis-à-vis d’une aire marine protégée et donc sur la méthodologie à mettre en place. De la même manière, sur quelles activités faut-il accompagner les communautés pour permettre une bonne gestion de la ressource et leur développement. Et bien là aussi chaque village à ses propres besoins et ses difficultés exprimés par les membres de la communauté eux-mêmes. Développement de l’écotourisme, mise en place de quelques installations d’aquaculture ou encore aide à la création d’un processus de transformation et de conservation du poisson sont autant de solutions et de besoins qui ont été évoqués durant notre visite. Tout cela est pris en compte par les ONG partenaires du programme qui dessinent un plan d’action spécifique pour chaque village.

Associer préservation de l’environnement et développement passe donc par l’écoute des communautés, leur implication à chaque étape et la capacité à faire de ces projets les leurs. Cela se fait bien sur par un gros travail de discussions, de sensibilisation, de consultation mais aussi d’éducation notamment dans les écoles de la région. Le succès d’un tel projet tient dans tous ces points. Le travail engagé est aujourd’hui reconnu par le gouvernement puisqu’il devient la base d’un projet de grande ampleur : une zone protégée de près de 27 000 hectares. Pour mettre en avant le rôle de l’humain dans ces projets, nous voulions vous présenter Pa Maxi. Pa Maxi est un pêcheur de Bahoi très connu dans toute la région. Comme de nombreux pêcheurs il fut sceptique au démarrage du projet mais aujourd’hui il est notre meilleur ambassadeur incitant même les autres villages à préserver leurs ressources marines. »

Séance de sensibilisation dans une école de Talise © Yapeka
Séance de sensibilisation dans une école de Talise © Yapeka

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