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Retour sur Into Eternity pour en savoir plus au sujet de la mémoire des déchets radioactifs


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Une fois par mois la Fondation GoodPlanet propose une projection suivie d’un débat au cinéma le Mac Mahon, à Paris. En mars, la fondation a mis à l’honneur le film Into Eternity, du réalisateur danois Michael Madsen. La fondation avait alors reçu à cette occasion Patrick Charton de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) et Isabelle Jouette de la Societé Française de l’énergie Nucléaire (SFEN). Into Eternity est un documentaire qui nous plonge avec passion, et parfois effroi, au cœur d’un défi majeur auquel notre société énergivore doit faire face : que faire des 250 000 tonnes de déchets radioactifs présents sur terre ?

Les déchets nucléaires : un danger pour les millénaires à venir

Michael Madsen s’est concentré sur le projet Onkalo, en Finlande. Ce projet titanesque prévoit de stocker à 500 mètres de profondeur des déchets hautement radioactifs pour une durée de 100 000 ans. Le documentaire s’affranchit du débat que suscite le nucléaire, il tente de comprendre comment la civilisation de l’énergie peut penser un projet sur une durée hors du commun. D’un point de vue technique, scientifique et éthique une telle entreprise humaine est inédite, l’homme n’a jamais vu aussi grand et aussi loin dans le temps.

Un projet similaire est à l’étude en France, il est mené par l’ANDRA (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs), à Bure, dans la Meuse. Ici pourraient être enfouis 3% du total de tous les déchets produits par la France. Ces déchets concentrent 99% de la radioactivité et ce pour un million d’année car ils sont retraités, et donc concentrent plus de radioactivité que les déchets finlandais. « Conclusion : l’ANDRA doit prouver que pour une durée inhumaine elle saura garder ses déchets sous terre, sans danger ! », explique Patrick Charton qui travaille à Bure sur la question de la mémoire.

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Isabelle Jouette du SFEN (gauche), Julien Leprovost de GoodPlanet (centre) et Patrick Charton de l’Andra (droite) lors de la projection d’Into Eternity. le 1er mars à Paris © Fondation GoodPlanet

L’enfouissement sous terre est la seule solution jugée plausible à l’échelle internationale car l’être humain ne sait pas créer en surface des bâtiments d’une durée de vie suffisante. Rien de bâti en surface ne peut tenir plusieurs millénaires sans aucune intervention humaine. « Pour des questions éthiques, impossible de construire en surface un entrepôt que des générations futures devront entretenir. », résume Patrick Charton. L’enfouissement consiste donc à conditionner les déchets dans des zones naturelles où la formation géologique est stable et à interposer des barrières naturelles et artificielles entre les déchets et l’environnement pour empêcher toute dispersion dans la nature le temps que la radioactivité décline.

La mémoire du temps long: un défi surhumain relevé par l’ANDRA

Si la Finlande s’interroge sur la possibilité d’effacer de la mémoire collective le site d’Onkalo, la France a choisi une autre voie. « Dire qu’on oublie le site est la meilleure solution car la probabilité d’un forage ici est quasi nulle, ce sol n’est riche d’aucune ressource naturelle. Mais oublier est très difficile. Certains risquent de se souvenir et donc on a pris le parti de préserver la mémoire du lieu le plus longtemps possible. La loi française prévoit 5 siècles de mémoire une fois que le site est refermé. », explique Patrick Charton.

Mais comment prévenir les humains qui peupleront la terre dans quelques millénaires ? Quel message universel laisser à nos descendants dont nous ne savons rien ? Pour répondre à ces questions l’ANDRA étudie les grands mécanismes de communication du passé. Ils nourrissent leurs réflexions d’échanges avec d’autres projets qui ont pour thématique la mémoire du temps long comme les déchets spatiaux, la mémoire du vivant ou encore le stockage CO2. Ils doivent résoudre deux problèmes : quelles informations transmettre et comment les transmettre ?

L’ANDRA opte pour un cocktail de solutions. « On mettrait des marqueurs en surface mais aussi à l’intérieur. A Bure il y aura une descente linéaire de 5 kilomètres pour atteindre 490m sous terre, des puits qu’il faudra reboucher. On y mettra des messages car c’est plus facile de creuser ce qui a déjà été creusé et car on ne sait pas reproduire un degré d’opacité tel que la terre en a crée en plusieurs milliers d’années or cela risque d’attiser la curiosité des archéologues. On va aussi laisser en surface des matières qui ne devraient pas être en surface. Les archéologues s’en rendront forcément compte, et c’est ça qui attira leur curiosité. On laissera donc des messages dans ces talus d’anomalies géologiques. »

Les messages seront très pédagogiques, l’ANDRA ne veut pas raisonner sur des peurs. Mais si l’homme de demain régressait ou voyait en ces percements humains un site funéraire ou religieux intéressant laissé par ses ancêtres ?

Patrick Charton : « Il y a trois hypothèses, les être humains ont un niveau de connaissance proche du notre, inférieur ou supérieur. Si il est équivalent, pas de problème. Si le niveau de connaissance a chuté et qu’ils ne savent plus rien de la physique et de la radioactivité alors je m’explique mal comment ils auraient la capacité de creuser à 490m sous terre ! Si le niveau de connaissance s’est accru alors ils sauront ce qu’est un déchet nucléaire, c’est la base de la chimie et cela fait très longtemps que l’homme a acquis des connaissances en chimie. Les scientifiques expliquent qu’il n’y a jamais eu de pic soudain de connaissance, ni de régression soudaine depuis l’homme de Neandertal, donc aucune raison qu’’on oublie seulement la connaissance de la radioactivité. Il est cependant impossible de dire qu’on peut prévenir une fouille postérieure, mais alors on retrouvera la mémoire par les effets directs de ses fouilles sur ce site. »

Les conséquences directes seront l’irradiation des personnes présentes aux alentours et une pollution de l’environnement sur quelques mètres autour du forage. Mais Patrick Charton est confiant. « Si ils ont la capacité d’avoir une foreuse pour connaître la composition du sol ils auront la capacité de voir les personnes présentes tomber gravement malade et ils auront la capacité de comprendre qu’il faut donc reboucher le trou et arrêter le forage. Il y a une autre hypothèse : les conséquences ont lieu 10 ans plus tard et on ne sait pas faire un lien de causalité direct mais cela veut dire que le forage a lieu dans très très longtemps, à une époque où les doses de radiation seront très faibles.  »

Toutes ces questions ne sont pas encore résolues mais l’on sait déjà que l’énergie nucléaire va continuer de produire des déchets hautement dangereux. Bure et Onkalo, si ils sont un jour en fonctionnement, ne seront alors plus des sites uniques. Patrick Charon estime qu’ « il faudra compter un centre de stockage permanent par pays et par siècle ».

Caroline Amiard

Pour aller plus loin sur le sujet :

une visite au laboratoire de Bure

la bande-annonce d’Into Eternity

des chats qui changent de couleur pour alerter des dangers de la radioactivité

3 commentaires

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    • Robert BIGEAT

    De beaux discours, des réflexions intéressantes, mais l’ensemble ne fait que nous éloigner de la conclusion logique, à savoir qu’en matière nucléaire la charrue a été placée avant les boeufs et qu’il ne fallait donc surtout pas commencer à exploiter le supposé « filon nucléaire », bien maigre en vérité et d’aucun intérêt économique en plus, puisque de moins de 5% de toute l’énergie utilisée annuellement dans le monde et dont on pouvait en conséquence, parfaitement se passer, avant d’avoir une solution crédible pour les déchets que cette activité trompeuse à plus d’un titre, allait générer.
    Maintenant le mal est fait, la boite de Pandore du nucléaire a été ouverte, et même mettre en taule tous les irresponsables intégraux et autres doux rêveurs qui ont osé lancer cette aventure nucléaire absurde et sans issue, ne solutionnerait pas la question, même si ça fournirait quelque part, une satisfaction morale.
    La solution idéale aux déchets nucléaires, en l’état actuel de nos moyens et connaissances, n’existe tout simplement pas, mais, et si l’Humanité poursuit sa marche en avant vers la maîtrise des sciences et technologies, nécessairement le problème des déchets trouvera une ou plusieurs solutions élégantes, pratiques et exemptes d’autres problèmes. Quand, on l’ignore, et on en est pas là, il est donc devenu urgent d’attendre, c’est à dire qu’il faut « mettre au placard », enfouir mais à bien plus de 500 mètres de profondeur, tous ces monstrueux déchets nucléaires mortels physiquement et chimiquement, pour donner aux humains de demain, et d’après-demain, le temps, et il y en aura encore pour des siècles, de mettre au point la solution.
    Car les solutions et réflexions aujourd’hui proposées, relèvent toutes de la science fiction.
    Le mieux à faire, c’est donc encore d’arrêter d’extraire de l’uranium, d’arrêter les réacteurs et la production de déchets radioactifs qu’ils génèrent par milliers de tonnes et plus.

  • C’est le compte rendu de Caroline Amiard. Il est respectable. Mais il y a omission : les réactions et les questions de la salle, qui globalement était très critique vis à vis du projet CIGéo. C’est un des nombreux mensonges par omission dont les pronucléaires abusent quotidiennement…
    Arriverons-nous à faire passer d’autres messages ? Vous avez le droit de vous tenir informés : http://www.villesurterre.eu/index.php?option=com_content&view=article&id=588

    • Valenton

    J’étais présent à cette soirée. Les gens avaient envie de comprendre. Je n’ai pas eu le sentiment que les questions étaient critiques. Merci encore à l’intervenant de l’Andra de nous avoir aidé à mieux comprendre ce sujet complexe.