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Première destruction des stocks d’ivoire en Europe

La France vient de procéder jeudi matin à la destruction des stocks d’ivoire saisis par les douanes depuis 1987. Une première en Europe. Devant une assemblée comptant le ministre de l’Ecologie Philippe Martin, la douane, la presse, Nicolas Hulot et plusieurs ONG, un concasseur broie 698 défenses et près de 15 357 objets sculptés – environ 3 tonnes d’ivoire. Pour assurer une destruction totale, la poudre sera incinérée. « Afin que plus rien ne subsiste aujourd’hui, sauf notre détermination à lutter contre les trafics », s’enflamme Philippe Martin.

Quelques touristes et badauds s’arrêtent devant les barrières gardées par la police qui ne laisse passer que les personnes accréditées et la presse. Sur le sol, une bâche bleue accueille un tas d’ivoire : des défenses et des petits objets. Le concasseur les attend. Des militants des ONG attirent les caméras avec leur masque d’éléphants tandis que Nicolas Hulot et Philippe Martin se succèdent au micro et rappellent le rôle de la société civile dans ce combat pour la préservation des espèces menacées. Le ton est solennel, le geste se veut symbolique, fort et concret. Les officiels posent devant les objectifs puis se saisissent de l’ivoire avant de le porter au concasseur. Le moteur vibre, la machine fait son travail et l’ivoire ressort transformé en poudre dans une benne rouge. Les douaniers et les membres de l’ONCFS (l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage) forment une chaîne afin de porter l’ivoire jusqu’à la machine à broyer. Continuellement alimentée, la machine déverse un flot continu de poudre d’ivoire qui forme un tas de plus en plus gros.

De la poudre d'ivoire s'écoule dans une benne, elle sera ensuite brûlée. © Julien Leprovost/GoodPlanet
De la poudre d’ivoire s’écoule dans une benne, elle sera ensuite brûlée. © Julien Leprovost/GoodPlanet

« La France considère désormais comme indispensable pour lutter contre le trafic d’espèces menacées de détruire systématiquement les saisies », affirme le ministre de l’Ecologie. Il annonce un durcissement de la législation pour 2014. L’alourdissement des peines sera inscrit dans le cadre de la loi biodiversité présentée au Parlement cette année : « la multiplication par 10 des amendes encourues en cas d’infraction qui passe de 15 000 euros à 150 000 euros. Et par 5 en cas de trafic en bande organisée. Le passage est de 150 000 euros à 750 000. »

Le ministre de l'Ecologie Philippe Martin et Nicolas Hulot lors de la destruction de l'ivoire © Julien Leprovost/GoodPlanet
Le ministre de l’Ecologie Philippe Martin et Nicolas Hulot lors de la destruction de l’ivoire © Julien Leprovost/GoodPlanet

La valeur du stock d’ivoire détruit est estimée à plus d’un million d’euros, un kilogramme de défense valant jusqu’à 3000 dollars. « C’est un problème de sécurité majeur puisque l’argent est réinjecté dans d’autres trafics. », souligne Nicolas Hulot. Le commerce illégal serait la 4e source de financement mondial des réseaux terroristes et des guérillas. Sur le terrain, la lutte contre le braconnage fait des victimes parmi les éco-gardes qui font face à des organisations armées, organisées et déterminées.

Cette opération est une première en Europe. Elle a été décidée lors du sommet de Paris sur la sécurité en Afrique de décembre 2013. Elle s’inscrit dans le cadre de la convention CITES qui régule le commerce des espèces sauvages et menacés. La CITES interdit actuelement le commerce de l’ivoire. Le but est d’envoyer un message fort aux braconniers, aux trafiquants et aux consommateurs « C’est un symbole très fort, estime Nicolas Hulot, envoyé spécial du président français pour la protection de la planète. Qu’on le veuille ou non, l’ivoire des éléphants tués ne pourra jamais être mis en vente. » La situation est alarmante puisque si 60 % des éléphants d’Afrique centrale ont disparu en une décennie, Nicolas Hulot rappelle que « le taux d’éléphants braconnés est de 7,4 %, ce qui est largement supérieur au taux de renouvellement de l’espèce. »

Ismaël-Alexandre Costa, responsable CITES à l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage, explique que ces saisies proviennent de l’aéroport de Roissy : « elles se font grâce aux renseignements, aux contrôles inopinés des bagages et du fret ainsi qu’aux scanners. Il n’y a pas de profil type. Ceux qui importent de l’ivoire illégal peuvent être des touristes non avertis qui rapportent des objets sans savoir comme des trafiquants. » Malgré le succès de cette opération de destruction d’ivoire, il regrette que le commerce illégal d’autres espèces menacées, comme celui du bois ou des orchidées ne mobilise pas autant. Et certains douaniers se plaignent  aussi du manque de moyens financiers et humains engagés dans cette lutte.

Des membres de l'ONCFS © Julien Leprovost/GoodPlanet
Des membres de l’ONCFS © Julien Leprovost/GoodPlanet

Cette destruction s’inscrit dans un mouvement mondial. Les premières destructions ont eu lieu en Afrique, puis aux Etats-Unis et en Chine. D’autres destructions d’ivoire sont prévues pour 2014, notamment en Allemagne et au Royaume-Uni,  afin de dissuader les trafiquants.

Julien Leprovost et Hélène Gélot

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