Une loi pour responsabiliser les multinationales


Amnesty International France lance une campagne #faitespaslautruche pour sensibiliser l’opinion à la responsabilité des entreprises multinationales. Ou plutôt à l’absence, dans le droit français, de responsabilité des maisons-mère vis-à-vis de leurs filiales malgré une proposition de loi allant de ce sens qui n’a jamais été examinée.  Sabine Gagnier, chargée de campagne Acteurs économiques pour Amnesty France explique la démarche de l’ONG.

Tout d’abord pourquoi cette campagne #faitespaslautruche ?

Les multinationales profitent d’un vide juridique. Face à ce constat, il y a 2 choix : soit faire l’autruche et ne rien changer, soit œuvrer pour que de nouvelles lois plus contraignantes les incitent à prendre en compte les droits humains. Dans de nombreux pays, les maisons-mères ne peuvent pas être tenues pour responsables des actions de leurs sous-traitants ou de leurs filiales. Ce qui entraine de nombreuses violations des droits humaines et des scandales environnementaux. Citons par exemple, la catastrophe de Bhopal en Inde qui fêtera bientôt ses 30 ans : les victimes n’ont [presque] pas obtenu de réparations et n’ont pas pu demander justice à la maison-mère, basée aux Etats-Unis.  Les véritables responsables n’ont jamais été inquiétés. Il en va de même pour les pollutions pétrolières du delta du Niger qui empoisonnent la vie des habitants depuis des décennies sans que l’entreprise Shell basée en Europe ne soit menacée. Récemment et plus près de nous, le Probo Koala, navire transportant des déchets, vers Abidjan en Côte-d’Ivoire, a empoissonné des milliers de personnes. Nous souhaitons que les victimes puissent obtenir réparation auprès des responsableset donc proposons la mise en place d’une loi spécifique liant la responsabilité des entreprises à leurs filiales et sous-traitants.

En France, où en sommes-nous en matière de législation ?

En novembre 2013, une proposition de loi a été déposée à l’Assemblée nationale. Elle s’intitule proposition de loi « relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre ». Elle été déposée par 4 groupes parlementaires mais n’a pas encore été soumise à l’examen ni donc au vote des députés, faute de temps, semble-t-il. Sans doute cela arrange-t-il aussi certaines entreprises françaises. Cette proposition a été mise en sommeil. Nous voudrions éviter qu’elle soit enterrée. Nous pensons qu’une telle loi peut faire changer les choses et pas uniquement en France. Par exemple, l’Espagne a déjà mis en place une loi proche.

Qu’est-ce que cette nouvelle loi apporterait de plus à la législation déjà existante en matière de RSE ?

Une loi imposant une obligation de vigilance sur les sociétés-mères pour les activités de leurs filiales et sous-traitants permettrait d’éviter de nouveaux drames et une meilleure réparation pour les victimes, parce qu’elle obligerait les donneurs d’ordre à contrôler la façon dont sont fabriqués leurs produits, tout au long de la chaîne d’approvisionnement. Ils seraient tenus de s’assurer que les droits humains sont respectés par leurs relations commerciales, au risque d’être poursuivis en justice.

Concrètement quels résultats en attendez-vous ?

Nous aimerions que la France donne l’exemple. Nous n’appelons pas au boycott des entreprises, mais juste à nous soutenir en rejoignant nos pages web afin de faire pression sur les décideurs et qu’ils n’oublient pas cette mesure. Elle s’inscrit dans un mouvement plus global pour garantir un plus grand respect des droits humains et éviter que les firmes ne recourent directement ou indirectement au travail forcé ou au travail des enfants

Propos recueillis par Julien Leprovost

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