Le Jour du Dépassement tombe cette année le mercredi 1er août. Cette date marque le moment où l’espèce humaine vit à crédit sur les ressources naturelles. Cette date est déterminée par le think tank Global Footprint Network qui calcule aussi l’Empreinte Écologique. À cette occasion, le fondateur et président du Global FootPrint Network Mathis Wackernagel a répondu par email aux questions du Magazine GoodPlanet.Info. Il dresse un bilan surprenant de l’Empreinte Écologique puisque même si le Jour du Dépassement arrive de plus en plus tôt, l’Empreinte Écologique commence à diminuer dans les pays riches.
Tout d’abord, qu’est-ce que le Jour du Dépassement ?
Le Jour du Dépassement Planétaire est la date à laquelle l’humanité a consommé autant de ressources naturelles que ce que la Terre peut renouveler durant l’année entière. Cette date est calculée grâce à nos données de l’Empreinte Écologique. L’Empreinte Écologique est un indicateur de mesure de la consommation de ressources. Elle mesure la quantité́ de surface productive requise pour fournir tout ce que l’humanité utilise, y compris nourriture, fibres et bois, infrastructures urbaines et absorption des émissions de dioxyde de carbone liées aux énergies fossiles.
Qu’est-ce que cela signifie ?
Cette année, le Jour du Dépassement Planétaire tombe le 1er aout, ce qui revient à dire que l’humanité consomme les ressources naturelles 1,7 fois plus vite que les écosystèmes peuvent les régénérer, ou qu’on utilise 1,7 planètes Terre.
Et le fait que le Jour du Dépassement tombe plus tôt d’année en année ?
Cela indique que le déficit écologique mondial s’aggrave. Et, si la date restait constante sur les prochaines années, cela signifierait que nous utilisons 1,7 planètes chaque, ce qui n’est pas tenable non plus sur la durée.
N’est-ce pas déprimant de faire ce constat ?
Être déprimé n’est pas une solution. Le Dépassement prendra fin, c’est inéluctable. Et nous devons faire en sorte que le phénomène se produise non pas par désastre, mais par dessein.
Plus sérieusement, nous sommes encouragés, à vrai dire, par l’évolution récente des dates du Jour du Dépassement Planétaire. Le Global Footprint Network prend en compte les toutes dernières données des Nations Unies et les conclusions des scientifiques pour recalculer chaque année la date du Jour du Dépassement Planétaire pour chacune des années passées depuis que le déficit écologique a commencé à se creuser au début des années 1970. Or nous constatons un net ralentissement. Il a été certes amorcé en 2009 par la récession mondiale. Il se maintient néanmoins. On pourrait presque parler d’un plafonnement.
Comment ce ralentissement se traduit-il ?
L’Empreinte Écologique par personne dans les pays à revenu élevé a notamment diminué de 12,9 % depuis 2000. En France, elle a même diminué de 15,5 %, derrière les États-Unis avec 18,4 %. Les efforts accomplis dans de plus en plus de pays autour du monde pour déployer les énergies renouvelables sont certainement un facteur important.
Même pour la Chine, pays dont l’Empreinte Écologique totale est la plus élevée, l’Empreinte Écologique a baissé de 0,3% entre 2013 et 2014. Elle avait pourtant connu une hausse constante depuis 2000 où cette Empreinte était moitié moins importante qu’aujourd’hui. L’Empreinte Écologique de la Chine par personne a également diminué de 0,8% entre 2013 et 2014. Cette baisse résulte en partie d’une diminution de 0,7% de l’Empreinte carbone totale de la Chine et de 1,2% de son Empreinte carbone par personne de 2013 à 2014.
Naturellement, il reste énormément de travail à fournir pour inverser la tendance et faire reculer la date du Jour du Dépassement. Il va falloir agir vite. Mais les frémissements sont bel et bien là.
L’humanité peut-elle encore inverser la tendance de la surconsommation ?
Bien sûr. Et le temps presse. L’époque des “il faudrait” est largement révolue. La vraie question est celle-ci : en avons-nous la volonté ?
L’Empreinte Écologique est un excellent indicateur pour comprendre l’impact sur la planète des modes de vie. Mais, le fait que chaque année le Jour du Dépassement soit de plus en plus précoce, ne traduit-il pas la difficulté de sensibiliser l’opinion aux sujets environnementaux et de changer les comportements ?
Nous avons lancé la campagne du Jour du Dépassement en 2006. Mais beaucoup d’autres avaient déjà commencé à tirer la sonnette d’alarme bien avant nous. Les comportements ne peuvent changer que si les mentalités changent. Or changer les mentalités est la tâche la plus ambitieuse et ardue qui soit. C’est d’autant plus difficile lorsque le message ambiant, tel qu’il a traditionnellement été communiqué par les militants écologistes, est perçu comme un message de sacrifice. À moins de prêcher dans sa paroisse, c’est difficile d’inspirer qui que ce soit à vivre moins bien et à faire des renoncements. Nous avons tous d’énormes progrès à faire pour communiquer sur la richesse extraordinaire et le potentiel fabuleux d’une vie axée autour d’autres valeurs que celle du hyper-consumérisme : lien social, connexion avec la nature, enrichissement spirituel et intellectuel…
Enfin, le changement systémique nécessaire ne repose pas que sur les citoyens-consommateurs. Les entreprises et les gouvernements ont bien entendu un énorme rôle à jouer pour transformer l’économie humaine de sorte qu’elle s’inscrive dans les limites naturelles de notre unique planète.
Qu’est-il possible de faire pour réduire son Empreinte Écologique ?
Déjà, pour commencer, il est possible de calculer sa propre Empreinte Écologique et le Jour du Dépassement qui lui correspond. De plus, notre site du Jour du Dépassement met en avant les quatre piliers essentiels de solutions : villes, alimentation, énergie, population. Nous utilisons actuellement 1,7 planètes Terre, et si nous reculons la date de 5 jours chaque année, nous arriverons à 1 planète avant 2050. Nous proposons, comme chaque année, plusieurs actions aux individus qui souhaitent faire un pas pour contribuer à faire reculer la date du Jour du Dépassement Planétaire.
Propos recueillis par Julien Leprovost
3 commentaires
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Garnier
Si l’on utilise jusqu’au bout les notions d’empreinte écologique et de biocapacité, on est obligé de se poser la question de l’effectif de population que peut accueillir la planète sur le long terme. C’est ce qui a été fait dans cet article :
https://www.demographie-responsable.org/population-soutenable-population-optimale.html
jean Grossmann
OUI Mr Garnier
Des 2006 un de mes amis polytechnicien avait pressenti la dangerosité de la croissance. Voir
https://www.dropbox.com/s/qydsyddrx0t2shs/LT-croissance.pdf?dl=0
La rivière pourrait selon moi nous aider en améliorant l’efficacité avec laquelle nous pouvons prélever l’énergie thermique renouvelable dans notre environnement.Voir
http://www.rivieres.info/patri/empreinte-eco.htm
Je me suis permi de mettre un lien vers vos travaux. Ceci afin de relire attentivement votre article sur ce sujet extrêmement important pour le devenir de notre société.
audat
J’ai changé de voie profesionnelle cette année pour faire connaitre les solutions pour eviter le plastique au quotidien. La tâche est ardue mais de plus en plus de personnes sont sensibilisées. Je pense qu en effet il est important de reconnecter la population à la nature et leur prouver que l arret de l hyper consommation ne peut etre que benefique au quotidien. Nous sommes de plus en plus nombreux a nous battre ce qui me rend optimiste. Ravie de lire enfin que nous reduisons notre empreinte ecologique. Tres peu d articles en font mention.