Le photographe Wu Guoyong témoigne avec son travail de la face cachée des vélos en libre-service en Chine : « au début, les vélos partagés ont été accueillis très favorablement par la population. Mais cela n’a pas duré longtemps. Les utilisateurs se garaient n’importe où, ils abandonnaient leurs vélos sur les trottoirs et à l’entrée des appartements. Les autorités ont été forcées d’intervenir et ont déplacé des millions de vélos vers les cimetières à vélos ». En janvier 2018, il s’est mis à traquer et visiter une quarantaine de cimetières de vélos en libre-service dans son pays. À l’aide d’un drone, le photographe chinois est parvenu à montrer l’ampleur du phénomène et du gâchis.
Des décharges sauvages de vélos
En effet, une grande partie des vélos en libre-service ont terminé entassés dans des décharges à ciel ouvert que le photographe a révélé grâce à son travail exposé à Paris à la Gare des Invalides à Paris. Son exposition No Place to Place (Nulle part où les stocker) rappelle que l’engouement pour de nouvelles formes de mobilité se révèle parfois démesuré et irréfléchi : « ce phénomène n’est pas propre à la Chine, il est international. J’espère que ces photos vont générer une prise de conscience mondiale ». La durée de vie des vélos ou des trottinettes en libre-service excède rarement une année, ce qui entraine une mise au rebut rapide et un renouvèlement constant des flottes.
« ce phénomène n’est pas propre à la Chine, il est international. J’espère que ces photos vont générer une prise de conscience mondiale
La Chine a misé sur les vélos en libre-service afin de lutter contre la pollution de l’air et réduire les émissions de gaz à effet de serre. La Chine est le premier émetteur de gaz à effet de serre de la planète depuis 2006. L’arrivée des vélos en libre-service était envisagée comme un moyen de redonner une place au vélo dans les villes chinoises où il prédominait encore il y a deux décennies et de lutter ainsi contre les embouteillages et la pollution de l’air. Soutenues par le pouvoir central, les grandes métropoles chinoises ont fait appel à des sociétés de partage de vélos. En moins de deux ans, 70 compagnies spécialisées dans la mise à disposition de ce moyen de transport sont apparues. Ces sociétés ont investi plus de 10 milliards de dollars, et ont déployé 27 millions de vélos dans la majorité des grandes métropoles chinoises. Résultat : une concurrence sauvage, une guerre commerciale farouche, des usagers peu soigneux et d’innombrables vélos s’accumulent dans des cimetières. « L’économie chinoise est en plein boom, tout le monde se demande comment gagner de l’argent, mais personne n’anticipe les conséquences néfastes de ces impulsions, commente Wu Guoyong. Dès qu’une entreprise réussit dans un secteur innovant, des dizaines d’entreprises se ruent, aveuglement, dans ce même secteur. Les cimetières à vélos sont le résultat de ces impulsions. L’économie collaborative se veut durable mais elle ne l’est pas toujours ».
Un modèle économique inconséquent
Rapidement, les villes ont été submergées par des vagues de vélos de premières mains aux couleurs attirantes et disponibles pour quelques yuans. Des millions de vélos abandonnés ou gênants ont été saisis par les autorités des villes avant d’être entassés dans des cimetières improvisés. Wu Guoyong veut monter avec No Place to Place : « la fragilité d’un modèle économique qui est trop rapide et qui n’anticipe pas les résultats de ses actions. Le concept des vélos à partager était initialement un concept durable, attractif et populaire, mais les faits ont démontré le contraire. Aujourd’hui, la majorité des entreprises ayant misé sur ce système sont en déclin et ont fait faillite ».
L’exposition organisée par SNCF Gares & Connexion, est actuellement en place à la gare d’Invalides et il n’y a pour le moment pas de date de fin.
12 commentaires
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Michel CERF
Grande démonstration de la décadence humaine …
Père castor
Merci pour cet article qui nous fait bien prendre conscience du « décalage » qu’il peut exister entre l’image écolo que prônent certaines startups (utilisation du vélo visant à réduire la pollution dans les villes) et la réalité.
A quand les clichés aériens des cimetières de trottinettes ?
L’ère du jetable à son apogée …
JPP
Qui est allé en Chine n’est pas étonné de l’ampleur du désastre. Oui, des vélos laissés n’importe où mais aussi beaucoup d’autres comportements peu civiques.
Cela peut nous faire réfléchir sur la nécessité d’agir pour faire prévaloir la sobriété dans les comportements individuels tout autant que collectifs. La transition écologique ne peut se résumer à des choix gouvernementaux. Chacun sa part comme disent les colibris.
sophie
Peut-on rappeler cette évidence même si elle froisse certaines idéologies: l’ humain est ainsi fait qu’il prend plus et mieux soin de ce qui lui appartient, de ce qui lui coute de l’ argent ou autre effort.
Le » gratuit » et le « partagé » a des limites visibles ici.
Michel CERF
Très juste !
Dehousse
Le problème peut être vu de façon idéologique ou simpliste : « la propriété c’est le vol » ou « pour ne pas être volé, mieux vaut louer en partage ».
Le vrai problème est qu’on ne peut pas tout louer en partage n’importe comment. Ici seul l’objectif de profit à court terme par envahissement d’un nouveau marché a été à l’origine du phénomène. Tous les arguments écolos-sociétaux ne sont que des prétextes commerciaux.
Les vélos en location avec stations de parkings sont mieux gérés et les sociétés qui les gèrent luttent aussi contre le « je m’enfoutisme » des utilisateurs. Les dégâts se retrouvent dans leur bilan comptable , ce qui permet leur analyse.
Les vélos sans station, c’est tout le contraire : du jetable dont on cache les dégâts dans des décharges anonymes.
Il faut commencer par établir de vraies règles d’usage de la rue. Utiliser la rue comme espace commercial doit être contrôlé. Les startups de vélos et trottinettes jouent la montre avec la lenteur d’adaptation de la législation. Et quand il y aura des vraies lois les contraignant, elles mettront leur argent ailleurs ou autrement, cherchant toujours une faille du système.
En attendant il faut un CODE DE LA RUE qui remplacera le code de la route dans les villes.
Marchesseau
Merci de cette remarque très opportune
Dehousse Marc
Il faut totalement réinventer le concept de vélo.
Les bons vélos sont bien trop chers, parfois la moitié du prix d’une voiture entrée de gamme.
La faute a leur production par d’innombrables fabricants en trop petites quantité.
Trop de vélos sont des assemblages d’accessoires sur un cadre design. Équilibre des masse non vérifié ( mon super vélo pliant : 1/3 sur roue avant, 2/3 sur roue arrière. Dérapage roue avant assuré). Freinage non dosé entre avant et arrière. Feux à piles alors que j’ai une grosse batterie ! Moteur avant sur une roue qui patine. Freins avant à main gauche, une hérésie quand la main droite est monopolisée par le changement de vitesses.
7 vitesses mais pour grandes roues : en 7ème je mouline comme pour un sprint avec des petites roues. Bref : il faudrait de vrais tests techniques de validation comme pour la voiture (lesquels avaient recalé la Smart qui fut corrigée avec l’ajout de l’ESP)
Autre problème : le manque de moyens contre le vol. Laisser un vélo sur la rue est risqué. Si on vole pas tout le vélo on lui vole ses accessoires. Manque de parkings surveillés. Ma solution : le pliant qui monte aux étages à mon bureau.
Revoir le design : un vélo normal, c’est trop grand pour les ascenseurs. A l’arrière d’une voiture sur un porte vélo, ça dépasse latéralement. Dans le coffre, n’y pensons même pas. Il faut adapter la taille aux usages et besoins.
Pour moi seul le fait d’être propriétaire évitera le gâchis insensé du vélo mal partagé. Mais pour convaincre d’acheter il faut:
– des prix accessibles
– des aides non discriminatoires comme la suppression de la TVA (moins 20% pour tous)
– des vélos sûrs techniquement pour éviter des chutes, et donc avec tests d’homologation.
– des vélos pratiques qu’on puisse ranger, embarquèrent voiture, monter en ascenseur…
J’ajouterai à cela un bon équipement :
– éclairage fiable
– systeme de géolocalisation ou d’immatriculation non falsifiable contre le vol
– etc.
J’ai un trouvé un objet approchant ces critères, le Tinker de Ries & Muller : moteur pédalier, transmission courroie, changement de vitesses permanent NuVinci, freins à disques, poids de batterie vers l’avant… mais il coûte 3900€, soit 7 mois de ma retraite de 557€ !!! Retraité, j’ai créé une entreprise et je fais 6000 km par an dans Bordeaux pour me rendre au bureau sur mon Beixo Compact électrique à cardan (5 chutes à cause d’une roue avant motrice trop légère).
Le vélo c’est donc une très bonne solution à la condition qu’on revisite tout son concept. Et cela, seules des entreprises d’envergure nationale en ont les moyens, comme autrefois Peugeot et autres marques célèbres.
Ou alors que tous les petits fabricants se réunissent pour réfléchir ensemble et former une vraie industrie du vélo, au lieu de se tirer la bourre à coup de modèles à la mode fabriqués à fort prix en petites quantités.
Quant aux politiques, avant de légiférer pour nous sortir des lois le plus souvent contraignantes, ils feraient bien rouler en vélo car en vélo on a vachement le temps de réfléchir ! Ils pourraient commencer par inverser le code de la route en ville, écrit autrefois pour le tout-voiture. Je propose qu’ils écrivent un CODE DE LA RUE qui remplacerait purement et simplement le code de la route, pour qu’en ville les plus faibles soient totalement prioritaires ( piétons, vélos,…)
Vaste chantier que les assises de la mobilité ont ignoré.
Albert Algoud
Excellents conseils et suggestions vraiment pertinentes. Bravo et un GRAND merci Marc .
Dehousse
Mes excuses pour les fautes vues après envoi et dues au correcteur orthographique.
grossmann
OUI vous avez raison
Les constructeurs pourraient peut-être réfléchir à une conception de voiture nous évitant d’aller vers le toujours plus. Par exemple d’une seule voiture hybride rechargeable PERSONNELLE de taille, de prix, et de puissance raisonnable appartenant au couple fiscal. Un couple fiscal acceptant pour moitié de prendre les transports en commun serait à l’abri quand il pleut. Cela désenclaverait les villes, les rendraient moins bruyante en solutionnant les problèmes pulmonaires
Phil
Il faudrait les attribuer gratuitement à chaque famille avec entretien gratuit je suis sur que cela aurait des effets moins polluants.