L’année 2011 marque les 40 ans de la Convention de Ramsar. Anada Tiéga, Secrétaire général de cette convention, nous éclaire sur son importance et son évolution. Il nous explique l’intérêt de la bonne gestion des zones humides dans le monde et revient sur les moyens mis en œuvre à travers de nombreux exemples.
Qu’est ce que la convention a apporté en matière de protection des zones humides ?
Depuis 40 ans, la Convention de Ramsar a permis la prise de conscience du rôle des zones humides pour le développement économique et social des pays, et en particulier pour la conservation de la biodiversité. Toutes les espèces vivantes dépendent de la disponibilité en eau. Son rôle est donc important et sans elle, aucun pays ne peut assurer son propre développement. L’eau est reçue, transportée, stockée, épurée, distribuée par les différentes zones humides, de la montagne à la mer. La convention a répertorié tous les services rendus par ces zones, dans le domaine de la santé, de la production d’énergie, de l’alimentation humaine et animale et de la conservation de la biodiversité.
Aujourd’hui, la recherche scientifique faite au sein de la convention, par le biais de notre comité scientifique et technique, permet de mieux comprendre le rôle que jouent les zones humides dans le changement climatique. Certaines zones humides captent le carbone et le stockent, elles contribuent donc à la réduction du réchauffement climatique.
Pourquoi la protection des zones humide est-elle importante ?
La gestion des zones humides permet de faire face à des épisodes climatiques difficiles. Lors des périodes de sécheresse par exemple, le partages de l’eau entre les différents utilisateurs (les hommes, les animaux et la nature) est primordial. En effet, si les hommes prennent la totalité de l’eau, tous les services produits par la nature sont perdus et il est parfois compliqué de restaurer le milieu suite à de tels épisodes. La convention à donc mis en place des lignes directrices pour que la distribution de l’eau soit équitable face aux périodes de sécheresse et pour que les zones humides dégradés soient réaménagées afin de retrouver leurs fonctions et leurs avantages.
Combien de sites sont actuellement concerné par la convention ?
Actuellement, 1950 sites sont reconnus comme zones humides d’importances internationales. Ces sites couvrent une superficie de 190 millions d’hectares. La convention reconnaît aujourd’hui 42 types de zones humides, notamment les systèmes fluviaux, les lacs, les marres, les rivières souterraines, les plages, les tourbières, les mangroves, les récifs coralliens.
Les tourbières sont des zones humides très particulières. La matière organique s’accumule pendant des centaines, des milliers d’années dans l’eau et se décompose très lentement. Ce phénomène permet à ces zones de stocker le carbone et de ralentir le réchauffement climatique. Si on les dégrade, le carbone se libère et le réchauffement de la terre est accentué. La bonne gestion des tourbière est donc très importante. D’autres zones comme les mangroves sont fondamentales pour la pêche. Ces forêts poussent dans l’eau saumâtre (entre l’eau douce et l’eau salée) et ces conditions sont idéales pour les nombreuses espèces de poissons qui viennent s’y reproduire. Les récifs coralliens favorisent également le développement des poissons et de la pêche. Ces colonies d’espèces vivent ensemble en harmonie. Il est très compliqué de les protéger.
Comment s’organise la tutelle de la convention ?
L’autorité administrative est un ministère désigné pour assurer la tutelle de la convention au niveau d’un pays. Ce ministère assure la coordination de la mise en œuvre de la convention. Il ne prend pas toutes les décisions et n’agit pas seul. Il implique d’autres ministères. L’eau est un élément transversal qui intéresse le ministère de l’environnement à travers la conservation des aires protégés et de la biodiversité. Elle concerne également le ministère de l’agriculture, à travers l’irrigation. L’autorité administrative travaille aussi avec le ministère chargé de l’énergie, car les zones humides, par le biais de barrages et par d’autres techniques, permettent d’avoir de l’énergie renouvelable. Enfin, il travaille avec le ministère de la santé, car les zones humides mal gérées deviennent un milieu mal saint.
160 pays sont signataires de la Convention de Ramsar. Chaque pays doit mettre en place un comité national des zones humides. Ce comité fait un inventaire de toutes les zones humides du pays. Il connait les valeurs, les fonctions de chacune. Le comité tente de conserver au mieux ces valeurs.
Y a-t-il eu des évolutions au cours de ces quarante années ?
La convention a beaucoup évolué et les zones humides ne sont plus gérées de façon isolée. L’objectif est de les regarder sur un plan plus large. Si la terre est mal gérée, tous les effets négatifs se retrouvent dans l’eau. Un exemple avec la mauvaise gestion des déchets qui pollue l’eau du Nil. Le fleuve traverse 10 pays qui tirent leur eau de ce bassin. Il faut prendre en compte tous les bassins fluviaux, de la montagne jusqu’à la mer, ainsi que tous les bassins versant et tous ses affluents. Des travaux faits en amont peuvent perturber l’infiltration de l’eau et la richesse de la nappe, au détriment de ceux qui tirent de l’eau pour la boire. Nous faisons donc la promotion de la coopération internationale pour que les pays trans-frontaliers, qui partagent le même bassin, puissent travailler ensemble et considèrent le lien qui existe entre l’eau de surface et l’eau souterraine.
Quelques exemples de zones humides dans le monde où la situation est préoccupante, ou encourageante ?
Le lac Tchad est une zone préoccupante. Six pays se partagent le bassin du lac Tchad, et quatre pays se partagent le lac lui même. Ce lac faisait 25 000 km² dans les année 1950 1970, aujourd’hui il fait moins de 2 500 km² soit 1/10e de sa superficie initiale. Il y a une perte de nombreuses fonctions, notamment la pêche et l’agriculture. Or la bonne gestion des bassins qui alimentent le lac dépend actuellement de la pluie. Le lac est très peu profond (7 mètres de profondeur) donc très fragile. Il suffit d’une sécheresse pour que la faible quantité d’eau disponible disparaisse. Sa gestion mérite l’attention toute particulière de la communauté internationale.
Le delta de l’Okavango est, lui, un bel exemple en terme de gestion et d’apports. Il reçoit son eau de l’Angola, traverse la Namibie pour aller au Botswana. Ce delta est très bien conservé. Sa faune est abondante et variée. Il y a chaque jour une multitude de touristes et cela génère beaucoup d’emplois.
Quel rôle a joué la France au sein de la convention ?
La France a beaucoup œuvré. Au niveau national, le 1er plan d’action sur la gestion des zones humides a été mis en place en 1995. Il a permis d’attirer l’attention des autorités locales et des différents groupes d’utilisateurs des zones humides dans le pays, afin que celles-ci soient gérées de la meilleure façon qu’il soit. La France compte aujourd’hui 36 sites qui couvrent 3 millions d’hectares, parmi eux, la zone d’Evian. Celle-ci a été reconnue comme zone humide d’importance internationale car sa gestion est exemplaire. Il n’y a aucune pollution de la part des agriculteurs. Aucun pesticide ou engrais n’entre dans le système. En travaillant de cette manière, on préserve des milieu et l’eau reste de bonne qualité. Il ne suffit pas d’avoir de l’eau en quantité mais la qualité est extrêmement importante.
Propos recueillis par Emeline Broussier et Julien Leprovost
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