Le documentaire Mégabassines : histoire secrète d’un mensonge d’État décrypte les dessous politiques des mégabassines. Il est désormais en accès libre depuis le 22 février. Issu de la collaboration des médias indépendants Off Investigation et Reporterre, l’enquête menée dans le marais poitevin révèle les réelles motivations derrière la mise en place de ces infrastructures, entre intérêts financiers et soutien de l’Etat. Les mégabassines, appelées officiellement réserves de substitution, sont de vastes bassins bâchés stockant l’eau pompée dans les nappes phréatiques en hiver pour irriguer l’été. Elles sont majoritairement situées en Nouvelle Aquitaine et Pays de la Loire. Présentées comme nécessaires, elles assèchent en réalité les nappes, perturbent le cycle de l’eau et ne bénéficient qu’à une minorité de céréaliers pratiquant une agriculture intensive et d’exportation. En plus du film Mégabassines : histoire secrète d’un mensonge d’État de Reporterre et Off Investigation à découvrir, GoodPlanet Mag’ vous propose d’aller plus loin avec l’interview d’une des journalistes qui a participé au documentaire. Dans cette interview avec GoodPlanet Mag’, Laury-Anne Cholez, journaliste à Reporterre ayant participé à l’enquête, dévoile les coulisses de l’investigation sur cette guerre de l’eau.
Comment est né ce projet de documentaire d’investigation sur les mégabassines en collaboration avec Off Investigation ?
Reporterre couvre la contestation contre ces mégabassines depuis des années mais c’est la manifestation de Sainte Soline, en mars 2023, qui nous a amené à enquêter de manière plus approfondie sur l’écosystème autour de ces infrastructures. Cette tragique répression policière, presque politique, a marqué un tournant dans le mouvement écologiste. On a voulu en savoir plus sur ces retenues d’eau présentées comme la solution miracle pour perpétuer un modèle agricole qui est à bout de souffle, comme on peut le voir aujourd’hui avec les manifestations agricoles.
« Ces personnes ne sont pas capables d’expliquer pourquoi ils font ces projets aussi contestés ni de les défendre. »
Et le format vidéo, que nous avions envie de tester pour la première fois en s’associant avec Off Investigation, est très intéressant. On voit que les défenseurs des mégabassines bredouillent, ne veulent pas répondre ou sont gênés quand on les met face au fait. Cette confusion peut passer inaperçue à l’écrit. La mise en image est révélatrice : ces personnes ne sont pas capables d’expliquer pourquoi ils font ces projets aussi contestés ni de les défendre. C’est presque comique par moment.
Quelle a été l’approche adoptée pour décrypter ce qui se cache derrière ce sujet controversé ?
On a travaillé à deux niveaux.
D’un côté, avec le data-journaliste Sylvain Lapoix, auteur des articles publiés chez nous et qui est notre correspondant à La Rochelle. Il a réalisé un travail méticuleux de recherches dans des bases de données, des formulaires, des sites internet officiels pour faire le lien entre les promoteurs des mégabassines, les agriculteurs qui y sont raccordés et les industriels de l’export de céréales du port de La Rochelle. L’enquête montre que ce petit monde se serre les coudes afin de continuer leur business très lucratif.
« Ce sont d’immenses trous d’eau qui font la superficie de dizaines de terrain de foot. »
De l’autre côté, l’équipe de Off Investigation est partie sur le terrain. Ils sont allés interroger les agriculteurs rattachés aux mégabassines, mais aussi les syndicats agricoles et associations qui se battent contre depuis des années. Et ils ont donné une image à ces retenues avec des drones, car ce n’est pas toujours facile de se rendre compte du gigantisme de ces projets. Ce sont d’immenses trous d’eau qui font la superficie de dizaines de terrain de foot.
Quels défis avez-vous rencontrés en menant cette enquête ?
L’une des difficultés a été de pouvoir confronter le contradictoire : les agriculteurs, les préfets, les responsables du port de La Rochelle.
Et le droit à l’information n’est pas de notre côté dans ce sujet. Les grandes caractéristiques de fonctionnement sont souvent protégées par la loi, rendant la récupération de certains renseignements très difficile. Par exemple, c’est très compliqué de connaître les volumes d’eau attribués à chaque agriculteur qui va bénéficier de ces mégabassines alors que ces informations devraient être de notoriété publique étant donné que ce sont des ouvrages qui sont financés en grande partie par des fonds publics.
« C’est aussi difficile de casser le discours officiel parce qu’il est très bien rodé. »
C’est aussi difficile de casser le discours officiel parce qu’il est très bien rodé. Le gouvernement entend accélérer les constructions de mégabassines parce que la sécheresse va être de plus en plus grave donc il va falloir de l’eau pour arroser les champs. Mais ça ne va pas résoudre le problème. Il faut quand même rappeler que ce n’est que 7 % de l’agriculture en France qui est irriguée, ces retenues ne profitent qu’à une minorité d’agriculteurs.
« Ces retenues ne profitent qu’à une minorité d’agriculteurs »
Les scientifiques s’accordent à dire qu’il faut plutôt recréer des zones humides, restaurer les prairies et planter des haies. Stocker de l’eau dans des bâches en plastique qui va s’évaporer et qui va croupir revient à méconnaître complètement le cycle de l’eau.
Comment le grand public peut-il agir contre le déploiement de ces mégabassines ?
En tant que média, ce qu’on peut conseiller aux gens c’est de s’informer, de parler des mégabassines autour d’eux afin que plus de monde sache ce que c’est et les raisons de leur contestation car ce n’est pas très facile à comprendre.
« Il est nécessaire d’aller vers une agriculture qui soit plus sobre en eau. »
Il y a aussi un enjeu pour les associations écologistes de reprendre la parole sur le sujet pour se faire entendre et éviter que le gouvernement et les agriculteurs, qui sont en très grande difficulté aujourd’hui et qu’il faut aider, ne se laissent aller à la solution rapide et facile de dire « il faut construire des mégabassines et puis tout ira mieux » : non. Elles sont contestées partout en France et aujourd’hui c’est la guerre de l’eau.
Ce qu’il faut surtout faire comprendre c’est que les réserves de substitution sont le symbole d’un modèle agricole qui est en déliquescence.
On a demandé aux agriculteurs de produire beaucoup, de produire toujours plus. Aujourd’hui ils se retrouvent coincés. Donc il faut les accompagner pour faire évoluer ce modèle.
Il est nécessaire d’aller vers une agriculture qui soit plus sobre en eau.
Il n’y a pas d’autre solution.
Propos recueillis par Louise Chevallier
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Pour aller plus loin :
Lien du documentaire sur YouTube : Mégabassines : histoire secrète d’un mensonge d’État
Le site de Reporterre : Reporterre, le média de l’écologie
Le site de Off Investigation : Off Investigation – Les coulisses de la politique
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Un commentaire
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Balendard
Notre président Mr Macron se trompe trop souvent pour ce qui est l’essentiel à savoir l’eau et l’énergie. Il va falloir que nous arrêtions de gâcher l’eau comme nous le faisons actuellement ceci en l’utilisant plus intelligemment afin de satisfaire les besoins de la majorité d’entre nous.. Nous n’avons pas encore réalisé que l’eau est à la croisée des chemins en ce qui concerne la satisfaction de nos besoins en énergie. Pour s’en convaincre il faut aller à l’essentiel et prendre le temps de lire les 3 premiers chapitres de
http://www.infoenergie.eu/riv+ener/essentiel.pdf