Denis Delestrac a réalisé le film “Cargos, la face cachée du fret”. Ce documentaire explore les impacts du commerce mondial en abordant la question du transport maritime et de tout ce qui se passe sur les navires et dans les ports. La fondation GoodPlanet proposera une projection-débat mardi 10 mai à 20H au cinéma le Mac Mahon à Paris en présence du réalisateur. En attendant ce rendez-vous, Denis Delestrac a déjà répondu à quelques questions.
Qu’est-ce qui vous a poussé à vous intéresser au transport maritime ?
Bien que 90 % de tout ce que nous consommons passe par la mer, le secteur du fret maritime s’avère méconnu. J’ai voulu comprendre notre dépendance à ce secteur assez opaque. J’ai aussi voulu savoir quel est le vrai prix du transport maritime dont les tarifs sont extraordinaires. Il en coûte environ 300 dollars pour transporter 20 tonnes de marchandises entre la Chine et les Etats-Unis. Le film explore les dommages collatéraux et cachés de cette industrie.
Quels sont les principaux impacts du transport maritime ?
Ce mode de transport de marchandises s’avère le moins polluant. Pourtant, son impact environnemental reste énorme en raison de la taille de la flotte mondiale et de celles des navires, en constante augmentation. Plus de 60 000 navires sillonnent en permanence les mers. Ils rejettent du soufre et d’autres substances polluantes dans l’atmosphère. Un seul cargo peut polluer plus que 50 millions de voitures. Un bateau peut consommer jusqu’à 200 tonnes de fioul par jour, un fioul lourd très polluant. Il contamine la mer du fait des nombreux dégazages quotidiens et des marées noires. Par ailleurs, les navires font beaucoup de bruit sous l’eau. Ils émettent des basses fréquences qui sont les mêmes que celles utilisées par les cétacés. Pour une baleine, ces sons équivalent à vivre à côté d’un moteur de jet.
Qu’est-ce qui vous a le plus surpris au cours de votre enquête ?
La question de la sécurité n’est pas assez prise en compte. Il y a 18 millions de conteneurs sur la planète qui font 500 millions de trajets par an. A peine 2 % de ces boites sont scannées et contrôlées. C’est une grande opportunité pour les groupes criminels et les réseaux terroristes de faire circuler des marchandises illégales. Les armes, les drogues voyagent par conteneur. Ils sont beaucoup moins chers et moins surveillés que l’avion. Ils transportent des matériaux dangereux. En fait, personne ne sait jamais vraiment ce qu’ils contiennent. Les ports sont le maillon faible de la sécurité des pays. C’est un pan très obscur de notre société de consommation.
Le conteneur est-il à l’origine de la révolution moderne du transport maritime ?
Le conteneur est l’une des pièces de l’équation de la globalisation à laquelle il faut ajouter la dérégulation des tarifs et le faible coût de la main d’œuvre en Asie, entre autres. Ces facteurs ont permis aux pays occidentaux de transporter à faible coût des produits bon marché sur de longues distances.
Que pouvez-vous nous dire sur la réalisation de votre documentaire ?
Il nous a fallu deux ans d’enquête avant de débuter le tournage. Après plusieurs mois, nous avons obtenu l’autorisation de tourner plusieurs jours sur un porte-conteneur de 320 mètres de long. Les armateurs sont très difficiles à joindre et à interviewer. Ils n’ont pas voulu car ils savent que je fais de l’investigation. Cela n’empêche pas de comprendre la marine marchande actuelle.
Comment votre documentaire a-t-il été reçu par le public ?
Le film a eu une bonne audience en février sur France5. La version longue n’est pas encore sortie. De nombreuses ONG ont réagi favorablement, ainsi que la presse. Ce type d’investigation hors-norme joue un rôle important. Très peu de journalistes peuvent passer trois ans à enquêter sur un sujet pour l’approfondir autant. Au-delà du film, la presse relaye les informations, ce qui permet une vague de prise de conscience en France et au-delà.
Propos recueillis par Julien Leprovost
2 commentaires
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Robert BIGEAT
Il est clair par exemple que si le fou qui dirige d’une main de fer la Corée du Nord décide un jour de « se venger » il lui sera aisé de placer une bombe atomique dans un container et de l’envoyer dans un port de son « ennemi » pour qu’elle y explose. C’est bien plus simple » et moins cher que de tenter de l’envoyer par un missile.
Les ports sont le maillon faible de la sécurité des pays | Le blog geek et écolo
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