Toxicily : le documentaire sur la lutte des victimes d’un site pétrochimique sicilien


Le documentaire Toxicily, qui sort en salle le 18 septembre, révèle la situation complexe des victimes d’un des plus grands sites pétrochimiques d’Europe. Découvrez la bande-annonce de ce film marquant. C’est à l’Est de la Sicile que François-Xavier Destors et Alfonso Pinto se sont rendus, caméras à la main, pour recueillir les témoignages des habitants concernant la zone pétrochimique d’Augusta-Priolo. Dans un contexte d’omerta généralisée, le film donne la parole à celles et ceux qui luttent pour faire entendre leur voix au cœur d’un territoire sacrifié au profit de la mondialisation. En dévoilant une image de la Sicile peu partagée, le documentaire questionne la façon dont les humains habitent le monde. Une chose est sûre, au Nord de Syracuse comme dans d’autres régions du monde, le pétrole est raffiné au détriment de l’environnement et au prix du bien-être humain.

Entre Augusta et Syracuse, l’un des plus importants complexes pétrochimiques d’Europe

Les premières usines de ce pôle industriel se sont implantées en 1949, puis le complexe s’est progressivement étendu jusqu’à devenir l’un des pôles pétrochimiques les plus importants d’Europe dès les années 1970. Les habitants de la région ont progressivement déchanté en constatant les impacts du projet, initialement perçu comme un eldorado pour les opportunités de travail que ce site pétrochimique représentait. En effet, des études menées à partir des années 1970 ont révélé l’anormalité de la situation sanitaire et environnementale de la zone. La détérioration de la qualité de l’air, l’exceptionnelle pollution des eaux, la dégradation de la santé des habitants et le dérèglement des écosystèmes locaux ont été mis en lumière. À titre d’exemple, une étude a montré qu’en 1980, 30 % des décès à Augusta étaient causés par un cancer, tandis que ce chiffre s’élevait à 9 % entre 1951 et 1955. « La plupart des gens que tu rencontres ont eu un ou plusieurs cancers, les cimetières sont anormalement remplis de personnes jeunes et d’enfants. Il y a tellement de manières d’être contaminé au quotidien » raconte François-Xavier Destors.

Une situation enlisée

Malgré une mobilisation de la part des habitants, aucune dépollution n’a pour l’heure eu lieu. Des raisons économiques sont évoquées mais des causes politiques et liées à la mafia rentrent également en jeu. « L’urgence est là mais rien ne se passe. […] Tout le monde se rejette la responsabilité », déplorent les auteurs du documentaire Toxicily. La mobilisation des victimes ne faiblit pourtant pas depuis 40 ans. Des dizaines de personnes luttent au quotidien sur le territoire pour faire évoluer la situation. Cependant, le climat d’omerta, marqué par un chantage à l’emploi, dissuade encore de nombreux habitants de s’exprimer librement. Un témoin explique dans le documentaire que « ceux qui parlent prennent des risques ».

Toxicily, un documentaire qui donne la parole aux habitants, à la fois victimes et protagonistes

À travers les témoignages de victimes de la pétrochimie, Toxicily révèle une facette méconnue de la Sicile. En effet, tout au long du documentaire, des discours, mais aussi des images saisissantes, dénotent la dualité de l’île. À Augusta, les habitants ont appris à vivre à côté des raffineries, avec l’hypervigilance que cela implique. Un quotidien auquel ces derniers semblent s’être accoutumés, sans pour autant s’y être résignés. Les auteurs du documentaire ont ainsi réussi à capturer avec justesse la vie de ces personnes qui souffrent des conséquences sanitaires et écologiques de l’industrie pétrochimique. En questionnant le rapport au travail et à l’industrie, mais aussi à la santé et à l’environnement, ce film invite à s’interroger sur la façon dont l’humanité habite le monde.

Marion Lamure

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