Le film Warrior Women retrace les luttes des peuples amérindiens aux États-Unis à travers le portrait d’une femme charismatique, Madonna Thunder Hawk. Cette guerrière indienne est une figure emblématique de l’American Indian Movement des années 1960 à nos jours. Le combat pour les droits des amérindiens se poursuit, et intègre l’écologie. En 2016, elle s’oppose notamment au Dakota Acces Pipeline en participant à une mobilisation d’ampleur inédite face à un oléoduc controversé qui traversait les réserves indiennes. Nous avons rencontré Madonna Thunder Hawk à Paris à l’occasion de la sortie en salles du film Warrior Women.
Comment est né ce projet cinématographique ?
Le projet a démarré il y a 20 ans. Le film suit un récit circulaire, propre aux contes indiens. Il constitue l’aboutissement d’une histoire orale des femmes indiennes. Leur histoire est méconnue. Or, c’est celle de femmes combattantes, qui ont défendu leurs droits dès les années 1960 au sein du Red Power Movement.
Qu’est ce qui vous a motivé à faire le film ?
On parle beaucoup des hommes, des guerriers, des chefs, et pourtant nos sociétés sont matriarcales. Ce film retrace notre histoire. Il nous a permis de nous réapproprier notre passé. Warrior Women propose notre vision opposée à la narration coloniale officielle.
Warrior Women propose notre vision opposée à la narration coloniale officielle.
À l‘heure actuelle, quelle est la situation dans les réserves ?
La vie dans les réserves est basée sur l’oppression et beaucoup des membres de mon peuple ont internalisé cette oppression. Le colonialisme moderne consiste à nous maintenir dans la pauvreté. Il y a très peu d’opportunités économiques dans nos territoires. Bien sûr, les enfants peuvent aller à l’école, mais comment faire quand vous n’avez pas de voiture pour vous y rendre ? Évidemment il est difficile de généraliser, car les situations des réserves varient beaucoup en fonction de l’éloignement géographique avec les centres urbains.
Le colonialisme moderne consiste à nous maintenir dans la pauvreté.
Aujourd’hui, où en sont les luttes des Indiens d’Amérique pour se faire reconnaitre ?
Depuis 1492 la résistance n’a jamais cessé, nous avons une mémoire ancestrale qui survit dans nos cœurs. Nous combattons les politiques publiques d’assimilation et d’oppression qui nous agressent continuellement. Les États-Unis sont un pays qui a été fondé sur la colonisation. Nous n’avons jamais reconnu et ne reconnaissons pas ses frontières.
La résistance autochtone se manifeste principalement en actes communautaires, et en actions de terrain. J’ai appris de nos anciens que nous avons chacun la responsabilité de prendre conscience des défis qui sont face à nous, et de nous battre tout au long de notre vie. Il est impossible de résoudre tous les problèmes au cours d’une vie. Nous essayons simplement de ne pas reculer et de continuer à avancer. Tant que nous avons une terre à défendre nous nous battrons.
Votre héritage culturel est-il encore en danger ?
Il faut maintenir notre héritage car il constitue notre armure spirituelle contre le colonialisme. Nous nous sommes rendus compte de sa valeur et de sa beauté après avoir déjà délaissé une partie de notre culture, en particulier nos langues. Notre héritage se compose de nos danses, de nos chants, de nos terres, de nos cérémonies, de nos langues, et de notre spiritualité.
Il faut maintenir en vie cette culture qui est la nôtre et qui fait de nous ce que nous sommes. Ce droit nous est nié en permanence. Nous voulons rendre aux jeunes et aux futures générations une identité dont ils seront fiers et qui leur appartient. À partir de ce moment-là ; les jeunes se battront pour la survie de notre patrimoine.
Pourquoi avez-vous été solidaires d’autres luttes sociales et civiques et noué des alliances avec d’autres mouvements ?
Nous avons appris au fil des années de luttes, l‘importance des alliances pour la survie de notre peuple. Nous avons créé des alliances fortes avec un grand nombre de mouvements, par exemple : les marches pour le climat, le mouvement Black Lives Matter, les féministes, l’alliance Cowboy-Indien, les Black Panthers…
Et, plus récemment, pour l’environnement ?
La question des alliances a refait irruption à l’occasion du combat contre l’installation du pipeline Dakota Access à Standing Rock en 2016. L’utilisation des réseaux sociaux par les jeunes a changé la donne. L’ampleur de la communication a été phénoménale au sein de la société civile qui s’est regroupée pour agir.
Où trouvez-vous la force de vous battre ?
Dès le plus jeune âge, ma famille m’a appris l’importance de ne rien prendre pour acquis. J’ai été emmenée de force loin de mon peuple, dans un pensionnat pour enfants autochtones. J‘ai tout de suite remis en question l’autorité. Nous faisons face aux ravages de la colonisation. Le fait d’avoir des familles soudées contribue à préserver notre culture et nos traditions.
J’ai été emmenée de force loin de mon peuple, dans un pensionnat pour enfants autochtones.
Il y a 375 millions de personnes qui composent les peuples autochtones dans le monde, souvent ils sont perçus comme les gardiens de l’environnement, comment peuvent-ils participer à la préservation de l’environnement ?
Nous savons tous que la planète est en train de mourir, alors comment récupérer le contrôle et générer des réels changements ? À partir du moment où les multinationales contrôlent les ressources de la planète, alors de quels pouvoirs disposent les peuples autochtones ? Qui va nous écouter ? Aux États-Unis, il y a plus de chats et de chiens domestiques que de membres des peuples autochtones. Nous n’avons pas de puissance politique et économique. Nous sommes seulement une petite poussière qui ne pèse pas.
Aux États-Unis, il y a plus de chats et de chiens domestiques que de membres des peuples autochtones.
Avez-vous un message pour les jeunes militants qui se battent contre le changement climatique ?
Nous vivons une période excitante : les réseaux sociaux permettent de briser les frontières. Je trouve qu’il y a une réelle prise de conscience chez ces jeunes, ils doivent continuer à prendre la relève et à lutter pour l’avenir.
Propos recueillis par Isaure Vicarini
Pour voir le film Warrior Women
2 commentaires
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Michel CERF
Si un peuple sur cette planète mérite le plus grand respect c’est bien celui des amérindiens , eux ne parlaient pas d’écologie , ils la vivait jusqu’à ce que des sauvages blancs viennent les exterminer .
Hernan
Bien dit Michel. Tout autant que les natifs de tout le reste de l’Amérique, et notamment ceux de l’Amérique Centrale et des Andes… ils ont cru que les Espagnols avec leurs chevaux n’étaient qu’un et leur ont offert de l’Or…. triste histoire. J’ai eu la grande chance de me promener et de vivre dans les Andes Péruviens avec les descendants des Incas et crois-moi: c’est une merveille. L’un des seuls peuple natifs qui ont fait la vie très difficile aux conquérants sont ceux de l’Amérique du Nord et ceux du Sud, Araucanos, Patagones et par là…. le sud…. Hernan