« Les crises environnementales, sociales et économiques […] interagissent, se répercutent en cascade et se combinent d’une manière qui rend les efforts isolés pour les résoudre inefficaces et contre-productifs », affirmant les experts de l’IPBES dans leur dernier rapport, affirme Nexus. Celui-ci a été dévoilé un peu avant Noël avec l’idée de sortir des approches purement centrées sur un problème et ses solutions afin de rendre compte de la complexité des problématiques écologiques. La professeure et écologue britannique Paula Harrison a coprésidé le groupe d’évaluation qui a rédigé le rapport Nexus. Ce terme, venu du latin, signifie à la fois lien et connexion. Paula Harrison souligne les limites de l’approche actuelle face aux crises écologiques: « « les efforts des gouvernements et des autres parties prenantes ont souvent échoué à prendre en compte les moteurs indirects et leur impact sur les interactions entre les éléments du nexus parce qu’ils restent fragmentés, avec de nombreuses institutions travaillant de manière isolée. Cela entraîne souvent des objectifs contradictoires, des inefficacités et des incitations négatives, conduisant à des conséquences involontaires ».
Les rapports de l’IPBES, des repères sur les grands enjeux environnementaux encore ignorés
Alors que les rapports du Giec sur le climat font les gros titres depuis des décennies, ceux des experts de l’IPBES sur la biodiversité n’attirent pas encore autant l’attention. Ils sont pourtant tout aussi importants. Publiés mi-décembre, les derniers rapports de l’IPBES (Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques, groupe d’experts sur la biodiversité) méritent qu’on y prête attention.
« La perte de biodiversité, la pénurie d’eau, la sécurité alimentaire, la santé humaine et le changement climatique ne sont pas des problèmes isolés »
En effet, les scientifiques s’efforcent de rappeler la complexité et l’interdépendance des défis environnementaux que l’humanité doit relever. Les travaux de l’IPBES, comme ceux du Giec, ont vocation à aider les décideurs politiques à agir en faveur de la biodiversité pour le premier, du climat pour le second. Fruit d’une collaboration internationale, ils font la synthèse des connaissances scientifiques actuelles sur l’érosion de la biodiversité et ces documents se destinent aux gouvernements.
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Le rapport Nexus : faire le lien entre biodiversité, eau, climat, alimentation et santé
Les 165 scientifiques qui ont travaillé durant 3 années afin de proposer un rapport d’évaluation sur les liens entre la biodiversité, l’eau, l’alimentation et la santé – connu sous le nom de rapport Nexus. Ce document tisse des liens entre les crises du climat, de l’eau, de la santé, de l’alimentation et de la biodiversité. Ses auteurs y rappellent le rapide déclin de la biodiversité, mais ils soulignent aussi que ce n’est pas qu’une question de faune et de flore. En effet, plus de la moitié du PIB mondial, estimé à 58 000 milliards de dollars ainsi que les conditions de vie l’humanité, dépendent de l’environnement. « Mais les prises de décision actuelles ont donné la priorité aux rendements financiers à court terme tout en ignorant les coûts pour la nature », note, Pamela Mcelwee, professeure à l’université Rutgers aux États-Unis qui a aussi pris part à l’évaluation de l’IPBES. Ce qui aboutit, faute d’outils économiques et politiques suffisants à ce qu’on ne se rende pas compte « des pressions économiques négatives exercées sur le monde naturel. ». Or, ces coûts seraient évalués entre 10 000 et 25 000 milliards de dollars.
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Les chercheurs ont ainsi analysé les impacts de la mise en place des 17 Objectifs de Développement Durable (ODD) sur l’eau, le climat, la biodiversité, l’alimentation et la santé. Ils soulignent la nécessité de revoir les manières d’apporter des réponses aux problèmes. Ils écrivent que « si les tendances actuelles de « business as usual » des facteurs de changement directs et indirects se poursuivent, les résultats seront extrêmement mauvais pour la biodiversité, la qualité de l’eau et la santé humaine, avec une aggravation du changement climatique et des défis croissants pour atteindre les objectifs de la politique mondiale. »
« La perte de biodiversité, la pénurie d’eau, la sécurité alimentaire, la santé humaine et le changement climatique ne sont pas des problèmes isolés. Ils sont indivisibles, liés entre eux et interdépendants. Pour cette raison, lorsque l’un d’entre eux faiblit, les autres suivent. Bien que ces défis soient interconnectés, nos réponses sont bien trop souvent cloisonnées, réglant un problème tout en en créant un autre » , déclare Inger Andersen Directrice exécutive Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE ) « L’évaluation Nexus de l’IPBES est la première évaluation globale qui examine les liens entre ces crises et identifie des solutions. »
Le paradoxe de l’alimentation : nourrir le monde, mais à quel prix ?
Les scientifiques de l’IPBES évaluent donc 70 options de réponses aux crises écologiques. Résoudre la crise climatique peut se faire au détriment de la biodiversité, par exemple. Le rapport s’attarde ainsi longuement sur l’exemple de l’alimentation. Les impacts de la production alimentaire reflètent certains paradoxes. D’un côté, il y a eu d’indéniables progrès pour mieux nourrir la population, de l’autre certains modes de production agricole sont des causes de dégradation de l’environnement. « Par exemple, l’approche « l’alimentation d’abord » donne la priorité à la production alimentaire avec des bénéfices positifs sur la santé nutritionnelle, découlant d’une intensification non durable de la production et d’une augmentation de la consommation par habitant. Cela a des effets négatifs sur la biodiversité, l’eau et le changement climatique », affirment les auteurs. Or, il serait possible de réduire les pesticides, les engrais et les surfaces agricoles pour continuer de nourrir la planète.
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L’objectif des travaux de l’IPBES est donc de faire réfléchir sur la manière dont les sociétés humaines orientent leurs actions en prenant compte l’ensemble du vivant. Il rejoint de la sorte les derniers travaux du Giec qui alertaient sur les risques de mal adaptation face au changement climatique. « Il existe des scénarios futurs qui ont des résultats positifs pour l’Homme et la nature en offrant des avantages communs à tous les éléments du nexus », selon Paula Harrison. « Les scénarios futurs qui présentent les avantages les plus importants sont ceux dont les actions sont axées sur la production et la consommation durables, combinées à la conservation et à la restauration des écosystèmes, à la réduction de la pollution, à l’atténuation du changement climatique et à l’adaptation à ce dernier. »
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Pour aller plus loin
Media Release: IPBES Nexus Assessment | IPBES secretariat (en anglais) et ici en français
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3 commentaires
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Guy J.J.P. Lafond
Très bon état des lieux.
Merci à l’IPBS et au GIEC! Merci GoodPlanet.info.
S.v.p., faisons circuler.
Nous n’avons plus une minute à perdre.
Guy J.J.P. Lafond (VELO) – in
https://mobile.twitter.com/UNBiodiversity/status/1395129126814691329
Du bon leadership pour la société civile à l’échelle de la planète
Balendard
OUI Mr Lafond vous avez raison
http://infoenergie.eu/riv+ener/LT.htm
Daniel Perret
On peut continue à tourner en rond tout en pensant qu’on ne le fait pas. Sans prendre en compte l’intelligence consciente de ‘la nature’ nous restons isolés et peu intelligents. La Création n’est pas matérialiste dans son essence. J’ai développé cette compréhension avec bien d’autres chercheurs. http://www.vallonperret.com